Du stress à l’intelligence adaptative : la Gestion des Modes Mentaux (GMM)


« It’s not stress that kills us, it’s our reaction to it. » (Hans Selye)


Qu’est-ce que le stress ?

Le stress est un concept assez vague sur le plan sémantique car dans le langage courant, ce terme est utilisé pour désigner tout aussi bien la source responsable, la réaction à celle-ci, ou bien l’effet observé chez celui ou celle qui la subit. Cette ambiguïté sémantique reflète bien la complexité du concept de stress, et explique donc la multiplicité des approches pour essayer de l’aborder.

Depuis les approches scientifiques sur le stress qui ont vu leur essor dans les années 30, nous savons aujourd’hui que le stress est une réaction de l’organisme en réponse à des contraintes externes ou internes. Deux grandes conceptions du stress existent aujourd’hui :

  • Les approches biologiques, qui définissent le stress comme une réaction aspécifique d’adaptation de l’organisme en réponse à des stresseurs menaçant son l’intégrité ;
  • Les approches psychologiques et cognitives, pour qui le stress résulte d’une transaction entre la perception qu’a un individu d’une situation donnée (défi, menace, danger = stress perçu) et la perception des ressources qu’il pense avoir pour y faire face (contrôle perçu).

Les limites de nos connaissances.

Les avancées récentes dans le domaine des émotions en neurosciences (neurobiologie, imagerie cérébrale) permettent de concilier ces différentes approches, en révélant le rôle inattendu du cortex préfrontal (régulation) ou de l’hypothalamus (intégration de la quantité et de la qualité d’adaptation demandée) dans le mécanisme du stress.

Mais ces études se sont uniquement centrées sur des stresseurs externes, quand l’agent stressogène est dans l’environnement de l’individu et donc clairement identifiable. Quid de ces situations où le stresseur est endogène, issu des seules ruminations mentales ? Quid de la cascade d’événements neurobiologiques et du « donneur d’alerte » dans ces cas-là ? Quid enfin de l’effet des stratégies d’adaptation et de gestion du stress empruntées aux techniques thérapeutique sur la régulation des réponses neurobiologiques et comportementales ? Les réponses à ces questions ne sont toujours pas adressées, et ce bien que les thérapies cognitives et comportementales aient démontré que le ressenti de stress naît souvent d’une incohérence interne au niveau de l’individu entre ses émotions, ses pensées, et ses comportements, indépendamment de facteurs externes.

Des outils pour s’adapter

C’est dans ce courant de recherche que s’inscrivent les travaux du LPN. Sous l’effet du stress, nous savons que nos décisions sont principalement dictées par nos émotions – supportées principalement par le système limbique – avec tous les risques que cela induit en cas d’inadéquation entre les contraintes imposées par la situation et les réponses pour y remédier : fixation sur des routines, rigidité de l’esprit, vision tranchée, simpliste et/ou manichéenne des enjeux, grégarité dans l’action et réponses stéréotypées. On fonctionne alors sur ce que l’on peut appeler un « Mode Mental Automatique ».

L’absence de réponse efficace a pour conséquence d’autoalimenter le ressenti de stress, générant ainsi des tensions psychologiques, des tensions physiques, et des troubles somatiques. Afin de gérer son stress, il convient donc de basculer d’un « Mode Mental Automatique » vers un « Mode Mental Adaptatif » s’appuyant sur des processus rationnels et stratégiques, et supporté principalement par le cortex préfrontal : c’est ce que proposent les exercices de « Gestion des Modes Mentaux » développés par l’Institut de Médecine Environnementale.

De la pratique clinique à l’expérimentation

Issus d’une approche inspirée à la fois des Thérapies Cognitives et Comportementales, et de la Neuropsychologie, ces exercices permettent de s’affranchir des pensées irrationnelles et des biais cognitifs qui apparaissent ou se renforcent sous l’emprise du stress, en mobilisant des ressources normalement régies par le cortex préfrontal : curiosité, flexibilité, prise de recul ou de hauteur sur la situation, relativisation, réflexion… L’activation « volontaire » de ces ressources permet de recruter de nouveau le cortex préfrontal, et ainsi de réactiver la régulation des émotions et l’inhibition des actions inappropriées afin de baisser le niveau de stress ressenti.

En abordant des thématiques trop peu explorées car méthodologiquement complexes, nous essayons d’identifier les processus psychologiques et les opérations mentales qui rendent compte de l’efficacité de ces exercices. Les études menées par les membres de l’équipe recherche tentent ainsi d’apporter un éclairage nouveau sur le stress que l’on nomme communément « auto-généré » par des approches cliniques, neuroscientifiques, ou encore dans le domaine de la santé. Les applications dépassent le cadre expérimental ou appliqué, puisque les chercheurs proposent aussi des produits et services issus de leur transfert de connaissances.

Camille Lefrançois-Coutant, chercheure au Laboratoire de Psychologie & Neurosciences de l’IME, travaille sur l’évaluation du bénéfice de la gestion du stress et du fonctionnement en « Mode Mental Adaptatif » sur l’adaptation aux situations difficiles, sur les troubles psychologiques et psychiatriques.

Riadh Lebib, chercheur associé au Laboratoire Psychologie et Neurosciences de l’IME, travaille actuellement sur les déterminants neuropsychologiques du stress. Ses thématiques de recherche portent aussi sur les biais cognitifs et leur impact sur nos processus de prise de décision en situation de calme ou de stress.

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