Action sociétale.

Nous avons lancĂ© un Manifeste pour un GIECO (Groupe International d’Expert sur le Changement des Comportements), pour un accompagnement du Facteur Humain des Transitions. Voici pourquoi…

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Le comportement humain, parent pauvre des politiques publiques…
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Des problÚmes sociétaux multiples, graves et urgents peu ou mal adressés par les institutions

En premier lieu, on pense assurément au réchauffement climatique car sa non-maßtrise compromettrait gravement et durablement notre avenir.

Quelques faits et chiffres pour se faire peur :

  • Sans rien faire, la tempĂ©rature globale augmentera pour le moins de 3 Ă  5 degrĂ©s en fin de siĂšcle. Les calculs du GIEC tiennent pour l’instant peu compte des effets de cascade (non humains) qui commencent pourtant dĂ©jĂ  Ă  se mettre en place : fonte des glaces et glaciers, dĂ©sertification et baisse de productivitĂ© de la grande majoritĂ© des terres cultivables, disparition des forĂȘts tropicales et nordiques, etc. Pour le siĂšcle suivant, ces effets entraĂźneront dans tous les cas une Ă©lĂ©vation aux alentours de 7 Ă  8 degrĂ©s, mĂȘme si nous ne produisons plus de GES (gaz Ă  effet de serre). Pire : ces tempĂ©ratures moyennes, incluant les ocĂ©ans, signifient des valeurs doubles sur les continents, soit 6 Ă  10 degrĂ©s d’ici la fin du siĂšcle. Ce sera encore plus net dans les zones polaires. Ces tempĂ©ratures continentales moyennes, qui croisent les valeurs diurnes et nocturnes, hiver et Ă©tĂ©, sous-estiment largement l’évolution des tempĂ©ratures maximales. Or ce sont elles qui vont dĂ©sertifier les sols : Ă  partir de 45 degrĂ©s et plus encore au-delĂ  de 50 degrĂ©s, le dĂ©sert s’installe. Sans oublier que la baisse des prĂ©cipitations ou leur caractĂšre de plus en plus extrĂȘme et dĂ©vastateur accĂ©lĂ©rera ce phĂ©nomĂšne. On estime ainsi que des milliards d’individus vont souffrir de famine et mourir, ce qui crĂ©era un chaos que l’on n’imagine pas (avec nos « seulement soixante millions de migrants Ă  l’échelle mondiale » actuellement) : migration de centaines de millions de personnes affamĂ©es, guerres de l’eau, populismes dĂ©fensifs ou offensifs
 Ce que l’on connaĂźt pourrait n’ĂȘtre que l’apĂ©ritif [1] !
  • Il y a aussi celui de la rĂ©duction accĂ©lĂ©rĂ©e de la biodiversitĂ©, dont on commence Ă  mesurer l’ampleur et les consĂ©quences. L’agriculture intensive dĂ©vaste la population des insectes beaucoup plus largement et rapidement que tous les autres facteurs (elle est partout), or ce sont eux qui nourrissent largement la faune sauvage. On pense aux abeilles pollinisatrices mais ce n’est qu’un aspect de l’impact sur la productivitĂ© agricole…

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Mais il y a aussi de multiples autres dĂ©fis posĂ©s par l’évolution Ă  marche forcĂ©e de notre sociĂ©tĂ© :

  • La dĂ©structuration du tissu social, qui crĂ©e Ă  la fois une fracture sociale entre ceux qui s’adaptent et mĂšnent la danse et ceux qui sombrent dans la marginalisation ou la violence
 entre bĂ©nĂ©ficiaires insatiables et populations et milieux exploitĂ©s par les lois du marchĂ©. S’ensuit une altĂ©ration de la confiance et du vivre ensemble [2]
  • L’émergence de l’IA qui bouleverse les rĂŽles et les mĂ©tiers, amplifie le phĂ©nomĂšne prĂ©cĂ©dent en offrant une « main d’Ɠuvre » encore plus docile et productive. On estime ainsi que 50 Ă  80% des mĂ©tiers actuels devraient disparaĂźtre dans les deux ou trois dĂ©cennies Ă  venir ! Or, outre la monstruositĂ© Ă©thique que reprĂ©sente un tel choix (malthusien) de sociĂ©tĂ©, c’est aussi un effondrement du marchĂ© puisque le pouvoir d’achat se rĂ©duira Ă  une Ă©lite de plus en plus restreinte.

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Évidemment, il y a derriĂšre tout cela des choix de sociĂ©tĂ©s profonds et de longue date :

  • La stratĂ©gie des investisseurs comme celle des Ă©tats, centrĂ©e sur le (quasi) seul dĂ©veloppement Ă©conomique et la compĂ©tition, au dĂ©triment des autres composantes du dĂ©veloppement sociĂ©tal

  • Plus globalement, c’est l’évolution de la sociĂ©tĂ© entiĂšre, de plus en plus matĂ©rialiste, qui valorise le plaisir Ă  court terme, les addictions et les signes extĂ©rieurs de pouvoir social [3], au dĂ©triment des visions plus subtiles, solidaires et Ă  long terme autour du dĂ©veloppement personnel (raffinement, culture, expression des passions
). De nombreuses Ă©tudes montrent que le bonheur relĂšve de ces derniĂšres dimensions et non de la possession ou de l’image sociale. Loin de se tasser, la tendance court-termiste s’accĂ©lĂšre au niveau des jeunes gĂ©nĂ©rations [4] et n’amorce aucune forme de rupture rĂ©elle (en termes de comportements).
  • L’éducation dont l’objectif est de plus en plus de former Ă  des mĂ©tiers (qui vont pour la plupart disparaĂźtre) plutĂŽt que (aussi) Ă  un Ă©panouissement individuel, une agilitĂ©/rĂ©silience collective et une maturitĂ© citoyenne.

Toutes Ă©volutions cognitives et comportementales sont Ă©videmment largement interdĂ©pendantes/se renforcent mutuellement et il est difficile de savoir quelle est la poule et l’Ɠuf dans une sociĂ©tĂ© mondiale largement dĂ©mocratique et de marchĂ© (donc fabriquĂ©e au quotidien par nos trois pouvoirs de vote : nos actes, notre carte d’électeur et notre carte bleue).


La raison de tant de problùmes est simple : nous sommes LE problùme


Ni les gouvernĂ©s, ni les gouvernants n’ont assez de recul (et plus encore collectivement [5]) sur les moteurs et les leviers d’un changement rĂ©ellement efficace, Ă  la mesure des urgences qui sont les nĂŽtres.

Il nous manque sans doute d’abord de partager assez de connaissance sur nous-mĂȘmes, que pourtant notre sociĂ©tĂ© dĂ©tient de plus en plus : ce sont les sciences du cerveau et du comportement. Ce sont aussi certaines pratiques de dĂ©veloppement personnel, de mĂ©ditation, de psychothĂ©rapie


Certes, nous avons aussi (en théorie) tous accÚs aux publications scientifiques sur ces sujets, il existe une presse de vulgarisation spécialisée qui est largement lue, reprise par la presse et les médias généralistes.

Nous ne sommes pas tous totalement ignares, individuellement, mais nos institutions et organisations n’ont pas encore massivement intĂ©grĂ©es ces donnĂ©es ni leur importance :

  • Pas d’enseignement de ces sciences Ă  l’école, au LycĂ©e ou mĂȘme Ă  l’universitĂ©, en dehors des cycles spĂ©cialisĂ©s.
  • Pas de formation structurĂ©e/minimaliste/validĂ©e des enseignants, formateurs, consultants, dirigeants, dĂ©cideurs et autres acteurs de l’économie.
  • Plus grave : pas de lieux institutionnels pour expertiser ces connaissances, les hiĂ©rarchiser, rendre intelligibles et accessibles pour tous les mĂ©tiers et citoyens, pas d’équivalent donc de l’OMS ou du GIEC pour les comportements. Chacun, dĂ©cideur ou pas, y va lorsqu’il se dĂ©cide Ă  agir (comme notre sans doute courageux ministre de l’éducation ?) au « doigt mouillé »  Car aucun rĂ©fĂ©rentiel transdisciplinaire et opĂ©rationnel n’est disponible.

Les consĂ©quences sont donc, lĂ  comme ailleurs, Ă  la mesure de l’incurie :

  • Aucune (ou presque) expĂ©rimentation territoriale de stratĂ©gie d’accompagnement rationnel/structurĂ© des changements sociĂ©taux intĂ©grant et gĂ©rant pour le mieux la rĂ©alitĂ© humaine avec ses forces et faiblesses, ni en France ni ailleurs (on fonctionne avec les vieilles Ă©vidences d’avant)

  • Outre l’inconscience vraie de certains vis-Ă -vis de tels enjeux (on ne peut leur en vouloir, l’ignorance et/ou l’optimisme irrationnel ne sont pas des fautes [6]) et la rĂ©sistance affichĂ©e/la « mauvaise volontĂ© » d’autres, personne ou presque ne sait en fait rĂ©ellement quoi faire, mĂȘme parmi les personnes dites de « bonne volontĂ© » pour faire bouger massivement l’édifice social


Et tout se tient par « la bourre » :

  • Changer individuellement suppose une connaissance, une culture qui permette de dĂ©coder ces informations, de maĂźtriser les facteurs de motivation pour passer Ă  l’action, autrement-dit une connaissance de soi et de l’universel humain (neurosciences et sciences cognitives et sociales
).
  • Changer collectivement suppose une inversion des facteurs de « dĂ©sirabilitĂ© sociale », autrement-dit des modes, des choix sociĂ©taux partagĂ©s
 et donc du marketing, des offres politiques, des icĂŽnes inspirantes


On ne peut Ă©galement ĂȘtre incohĂ©rent (comme inciter par les mots et punir par les actes) sans dĂ©courager les bonnes volontĂ©s et encourager les abus :

  • ImpĂŽts et rĂ©glementations injustes au sens de l’injustice et de l’injustesse, donc contreproductifs,
  • CompĂ©tition dĂ©loyale induite ou tolĂ©rĂ©e au dĂ©triment de ceux qui « jouent le jeu » (perte de l’égalitĂ© devant le droit / paradis fiscaux, compĂ©titions sociales entre pays, dĂ©rĂ©glementations pour les uns mais pas pour les autres, etc.).
  • Abandon de territoires Ă  des mafias de la drogue, des communautarismes violents…
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CrĂ©er un « GIEC du Comportement » ou GIECO, clĂ© de voĂ»te d’une rĂ©ponse enfin Ă  l’échelle du problĂšme !

Nous n’attendons pas du GIEC pour le climat qu’il nous dicte nos comportements mais qu’il nous Ă©claire, par une synthĂšse d’expert sur l’état de l’art de la science du climat, sur la situation rĂ©elle et prĂ©visible et les consĂ©quences de nos actes, celles de nos stratĂ©gies.

De mĂȘme, nous n’attendrons pas du GIECO qu’il juge ou pilote nos comportements. Mais qu’il nous donne les moyens, gouvernants et gouvernĂ©s citoyens, dĂ©cideurs et acteurs, Ă  la fois d’agir en connaissance de cause mais aussi d’ĂȘtre empouvoirĂ©s pour le faire :

  • Qu’il nous fournisse des livrables scientifiquement robustes/validĂ©s sur le terrain rĂ©el, intelligibles et signifiants donc motivants, simples Ă  mettre en Ɠuvre et aisĂ©ment transfĂ©rables (en Ă©ducation ou management).
  • Qu’il nous Ă©claire sur les biais naturels de notre esprit critique, individuel et collectif, sur les moyens de les contourner et dĂ©passer.
  • Qu’il nous fournisse des indicateurs prĂ©coces et tardifs des rĂ©sultats de nos actions en ce sens : Ă©ducatives, managĂ©riales, marketing, sociales, politiques

  • Que les trajectoires de nos « investissements » puissent nous aider Ă  orienter/corriger nos actions, nous permettre d’en partager les enjeux Ă  la fois dans un dĂ©bat citoyen Ă©clairĂ© mais aussi dans une juste rĂ©partition des rĂŽles et des responsabilitĂ©s.

Et les connaissances sur le cerveau et les comportements sont vastes et aujourd’hui largement prometteuses :

  • Les thĂ©rapies cognitives et comportementales savent accompagner des changements individuels, mĂȘme dans des situations terriblement dĂ©gradĂ©es et, sans une telle intervention, irrĂ©versibles,
  • Les leviers de l’épanouissement et du bonheur sont dĂ©sormais largement connus, et aux antipodes de nos choix sociĂ©taux « main stream ». Sans doute cela explique-t-il largement les emballements de recherches de plaisirs immĂ©diats et autres addictions, l’immaturitĂ© affective des « adulescents », qui sans doute ne traduisent que l’inefficacitĂ© profonde de ces dĂ©marches ? Avec comme consĂ©quences : dĂ©vastation – inutile – des ressources, perte d’espoir (no future), cynisme et individualisme, frustrations, violences

  • Les mĂ©thodes pĂ©dagogiques les plus avancĂ©es sont puissantes et adaptĂ©es Ă  nos besoins prĂ©sents et futurs : agilitĂ©, rĂ©silience, empathie, coopĂ©ration, crĂ©ativitĂ©, endurance, Ă©panouissement personnel, engagement, etc. Qu’elles soient dĂ©ployĂ©es Ă  l’école (« cours d’empathie » en Scandinavie
) ou dans les Ă©coles de management, en coaching ou en formation, elles portent en elles des rĂ©ponses Ă  une bonne partie des problĂšmes susdits.

Mais l’ambition du GIECO va aussi bien au-delà d’un simple catalogue des approches qui marchent :

  • Les neurosciences nous Ă©clairent sur les leviers neuronaux de nos aptitudes, sous-tendues par des rĂ©seaux spĂ©cialisĂ©s qui ne communiquent/coopĂšrent pas forcĂ©ment naturellement.
  • Une grande partie de l’éducation et de la neuro-Ă©ducation ou du neuro-management Ă  venir consistera sans doute Ă  formaliser et apprendre Ă  enseigner/accompagner cette connaissance des attitudes qui mobilisent et coordonnent les bonnes aptitudes ! C’est un peu comme pour le sportif, dont la prĂ©paration du corps et de l’esprit prĂ©pare la performance… mais Ă  l’échelle de la science planĂ©taire et sur des enjeux planĂ©taires dĂ©clinĂ©s jusqu’à l’échelle individuelle.


Il est temps de passer à l’action sur ce sujet.
C’est pourquoi l’IME a lancĂ© l‘Initiative GIECO.
 


Contacts

Jacques Fradin, Initiateur et membre du Comité de Pilotage du GIECo.
Dr. en Médecine, Comportementaliste et Cognitiviste (AFTCC),
Fondateur/Directeur Scientifique de l’Institut de MĂ©decine Environnementale / IME (https://www.fonds-ime.org/lime-2/equipe/jacques-fradin/).
Directeur Pédagogique de deux D.U. : « Psychologie et Pédagogie des Troubles du Comportement Alimentaire » et (à compter de novembre 2022) « Thérapies Neurocognitives et Comportementales » (UFR des Sciences de la Santé, Université de Bourgogne).
Consultant comportementaliste en RPS/QVT et RSE.
Intervenant Ă  HEC/Executive Education Program, Audencia/Executive Education, INHESJ et ex-Expert APM.
Courriel : Jacques.fradin@ipbc-science.org
Portable : 06.81.83.13.59.

Stéphane La Branche, membre du Comité de Pilotage du GIECo.
Dr. en Sociologie
Chercheur enseignant associé
Pacte et Science Po Grenoble https://www.pacte-grenoble.fr/membres/stephane-la-branche
Sociologue indépendant Climat, Air, Energie
Membre du GIEC-IPCC 2014
Consultant auprùs des institutions et grandes entreprises (dont Entreprises Pour l’Environnement, Programme Zen 2050).
Courriel : stephane.labranche@ipbc-science.org
Portable : (06) 79 04 32 95.

Camille Lefrançois-Coutant, membre du ComitĂ© de Pilotage du GIECo, Responsable de l’organisation du Groupe 1 (scientifique).
Dr. en Psychologie Cognitive
Chercheure et Coordonnatrice du Laboratoire Psychologie & Neurosciences (LPN/IME)
Courriel : Camille.lefrancois@ipbc-science.org
Portable : (06) 99 23 81 40

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[1] Jared Diamond (2006), Effondrement, Gallimard.

[2] La perte de confiance dans l’avenir, les institutions et les entreprises atteignent des niveaux records : https://www.elanedelman.com/research/trust-barometer-2019.

[3] Sébastien Bohler (2019), Le bug humain,  Robert Laffont.

[4] http://www.datapressepremium.com/rmdiff/2008572/Etude-OpinionWay-pour-PrimesEnergie.fr.pdf

[5] Le paradoxe d’Abilene, prĂ©sentĂ© dans l’ouvrage « The Abilene Paradox and Other Meditations on Management », du sociologue Jerry Harvey illustre la façon dont un groupe peut prendre des dĂ©cisions absurdes.

[6] Tali Sharot (2011), The Optimism Bias: A Tour of the Irrationally Positive Brain, Vintage