NOM DU PROJET : AS6 : étude portant sur l’impact d’un exercice de GMM sur le stress ressenti, l’anxiété-état et la variabilité de la fréquence cardiaque en situation stressante professionnelle (« Effect of Mental Mode Management training on state-anxiety and physiological stress ») |
Date de début : 2013 | Date de fin : 2014 |
R : Psychologie – psychologie cognitive |
1. Objectifs du projet
Une étude a été menée auprès des salariés tout-venant afin de tester l’impact d’un exercice de gestion du stress (Gestion des Modes Mentaux, GMM) sur le stress ressenti, l’anxiété-état et la variabilité de la fréquence cardiaque en situation stressante professionnelle. Si cet exercice apparaît efficace, il pourrait être intégré aux programmes des écoles de management et organismes de formation professionnelle comme un outil novateur de gestion du stress professionnel.
Cette étude a été réalisée dans le cadre du mémoire de Master 2 Professionnel en Psychologie de l’Université de Paris 8 de Melle Rafif Sargi, stagiaire à l’IME. Les données ont été traitées par Stéphanie de Chalvron de l’IME en vue de la rédaction d’un article scientifique.
L’objet de cette étude consistait à étudier l’impact d’un exercice de GMM de restructuration cognitive (« Pack Aventure » : Avantages/Inconvénients du succès et de l’échec) sur le niveau de stress ressenti par les individus, leur anxiété-état et la variabilité de la fréquence cardiaque. La GMM vise à améliorer les performances des fonctions exécutives en permettant à l’individu de raisonner mieux face à une situation nouvelle et de contrôler ses émotions (Fradin et al., 2008). Cette thérapie se compose de plusieurs sessions de formation qui peuvent rester indépendante ou être combinées. L’objectif est d’améliorer l’estime de soi, la satisfaction au travail, le bien-être psychologique, et enfin d’améliorer la productivité et de réduire le roulement de personnel. Dans une étude récente, les avantages de la formation GMM sur des élèves pilotes a été démontrée (Fornette et al., 2012). Les auteurs mettent en évidence une augmentation des performances de vol et un changement de mode de gestion du stress, notamment chez les élèves pilotes qui sont en difficulté au début de leur formation. Toutefois, à notre connaissance, rien n’est connu sur la capacité de cette thérapie à réduire l’état d’anxiété. Par conséquent, l’objectif de cette étude exploratoire est d’examiner l’efficacité de la formation GMM sur l’état d’anxiété et de stress physiologique d’employés tout-venant. Selon le modèle psychologique de stress (Lazarus & Folkman, 1984), et d’autres études (Feldner et al., 2008) dans lesquelles le stress perçu (ou stress psychologique) médiatise la relation entre la situation agressive et la réponse individuelle de l’anxiété, nous supposerons que la réduction du stress perçu entraîne la réduction de l’anxiété. En outre, plusieurs études indiquent que la sensibilité à l’anxiété est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (Borooah, 2010 ; Feldner et al., 2008 ; Stewart et al., 1997), ainsi Bekker et van Mens- Verhulst (2007 ) recommandent que le genre soit pris en compte dans le traitement de l’anxiété, ils précisent que l’inclusion de la spécificité du genre augmenterait l’ efficacité du traitement. Ceci suggère que l’efficacité du traitement de l’anxiété serait différente selon le sexe. Par conséquent, les effets univarié et multivarié du genre et de la perception du niveau de stress selon le genre sur l’évolution de l’anxiété sont également étudiés et nous supposons que l’effet global de la GMM est plus élevé pour les femmes que les hommes en particulier parce que leur niveau de stress et d’anxiété perçue étaient plus élevés avant la thérapie.
2. État de l’art
Aujourd’hui, le stress envahit de plus en plus notre quotidien aussi bien personnel que professionnel. Les facteurs de stress ou stresseurs semblent multiples (surcharge de travail, suppression de poste, enjeux). Plusieurs recherches ont mis en évidence les conséquences néfastes du stress en milieu professionnel, à la fois sur la santé de l’individu (aux niveaux somatique insomnies, maladies cardiovasculaires et psychique, anxiété, dépression), sur l’altération de sa qualité de vie et sur l’économie de l’entreprise (perte de productivité, arrêts de travail). Apprendre à gérer le stress semble donc important pour préserver bien-être et activité professionnelle.
Selon le modèle de Lazarus & Flokman (1984), le stress est un processus dans lequel il existe une transaction entre l’individu et une situation perçue comme aversive où l’individu pense que la situation dépasse ses ressources ou met en danger son bien-être. Selon ces auteurs, le stress est donc un processus dirigé par l’interaction entre les facteurs de stress environnementaux, l’évaluation individuelle (en termes de nature de la situation et de ressources pour y faire face) et les stratégies cognitives utilisées pour faire face à la situation.
Les sources du stress sont multiples, individuelles (maladie, handicap), familiales, professionnelles, sociales (conditions de vie, niveau socio-économique, ethnie), il s’agit de faits objectifs qui pourtant n’auront pas le même impact d’un individu à l’autre. C’est, selon le modèle transactionnel du stress, l’évaluation cognitive faite par l’individu qui va en moduler l’impact, cette évaluation pourtant subjective devient alors plus essentielle que les faits objectifs eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle on distingue le stress objectif (relié à des facteurs biologiques telle que l’augmentation du taux de cortisol) du stress psychologique, lequel dépend donc de l’évaluation qu’un individu se fait de la situation stressante, mais également de l’évaluation qu’il se fait de ses capacités à s’ajuster aux demandes de cette situation. Ainsi, ce qui est stressant, c’est « la discordance ressentie entre les ressources existantes et perçues comme insuffisantes et les contraintes de la situation » (Fisher & Tarquinio, 2004, p.94).
Bien qu’aucun ordre chronologique ne soit instauré dans le processus d’évaluation, Lazarus distingue donc deux dimensions à l’évaluation, les dimensions primaire et secondaire : « Le choix de la terminologie, «primaire» et «secondaire» est regrettable pour deux raisons. Tout d’abord, ces termes suggèrent, à tort, que l’une (primaire) est plus importante que l’autre, ou que l’une précède l’autre dans le temps. Aucune de ces significations n’est entendue comme telle » (Lazarus et al., 1984, p. 31). La dimension primaire fait référence aux enjeux que représente la situation en terme de menace, de perte ou de défi et donne lieu au stress perçu, et la dimension secondaire correspond à l’appréciation des ressources disponibles et donne lieu au soutien social perçu et au contrôle perçu. Des facteurs personnels qui peuvent être cognitifs, motivationnels ou dispositionnels (optimisme, lieu de contrôle[1], anxiété, dépression …), des facteurs situationnels (imprévisibilité, ambiguïté, incontrôlabilité de la situation) ainsi que des facteurs sociaux (réseau social, revenus…) vont influencer ces deux évaluations. Mais, ce qui est central dans ce processus évaluatif, ce sont les émotions, ainsi, en 1999, Lazarus qualifie même l’approche de ce modèle de « cognitive-motivationnelle-relationnelle », où chaque émotion ressentie par l’individu est fonction d’un « thème relationnel central » (Core Relational Theme, CRT). Ce CRT correspond aux buts que la personne s’est fixé. Si la situation n’est pas pertinente en rapport à ces buts, il n’y aura pas d’émotion, en revanche, si elle interfère avec les buts fixés, toutes les émotions sont envisageables, ainsi « les émotions découlent de l’évaluation de l’impact d’un événement sur les objectifs évalués » (Lowe & Bennet, 2003). Lorsqu’elles sont négatives (peur, colère, tristesse, dégoût… ), elles donnent lieu à la perception d’un stress, lequel engage un nouvel enjeu en terme de protection de l’estime de soi qui va lui-même influencer la perception du pouvoir et du contrôle sur la situation ainsi que du soutien social disponible et par la suite de l’ajustement comportemental.
Le contrôle perçu est un processus transactionnel qui fait référence à la croyance, qu’un individu a, de pouvoir ou non maitriser la situation, et cette croyance est également dépendante du caractère objectivement contrôlable de la situation.
Barrera (cité par (Beauregard & Dumont, 1996) définit le soutien social selon trois dimensions : l’intégration sociale, le soutien social reçu et le soutien social perçu. Pour Cohen et Syme (1985) le soutien social perçu correspond d’une part à la perception qu’a l’individu de la disponibilité de son entourage quand il est face à une difficulté et d’autre part, à la satisfaction qu’il pense pouvoir retirer de ce soutien. Vaux (cité par Beauregard et al. 1996) souligne que les définitions du soutien social ne font pas l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique, ce que Bruchon-Schweitzer (2002) explique par le fait que les chercheurs s’attachent plus à sa validité prédictive qu’à sa validité théorique. L’ajustement à la situation (coping) découle de ces perceptions transactionnelles du stress, du contrôle et du soutien social.
C’est une conception psychologique du stress, mais il a, par ailleurs, été montré que le stress psychologique est relié au stress physiologique évaluée par la variabilité de fréquence cardiaque (HRV), et en particulier à une plus faible variabilité du rythme cardiaque vagal (Bradley et al. 2010; Chandola et al. 2008; Pieper et al. 2007). L’HRV est considérée comme un marqueur psychologique de l’adaptation, et d’une régulation émotionnelle à des exigences environnementales. Un faible HRV (diminution de l’activité parasympathique) reflète une diminution de l’adaptabilité, à la fois psychologiquement et physiologiquement (Thayer et al. 2012). L’HRV peut être mesuré à la fois par la fréquence cardiaque instantanée et par les altérations du rythme cardiaque (intervalles RR ou intervalles entre les pics de R consécutifs ; Niskanen, Tarvainen, Ranta – Aho, & Karjalainen, 2004), ces fluctuations sont influencées par le système nerveux autonome système nerveux (Cohen, Matar, Kaplan, et Kotler, 1999). Ainsi, il évalue l’équilibre sympathique – vagal d’un organisme (Berntson, Bigger, Smetana, Grossman, Kaufmann, Malik, et Van der Molen, 1997) et il est un bon indicateur de stress physiologique (Appelhans & Luecken, 2006). Une faible VRC a été associée à des modulations excessives cardiaques sympathiques, modulations inadéquates ou les deux. VRC fournit des informations non invasive sur des modulations de fréquence cardiaque dans une variété de circonstances dynamiques, y compris émotions évoquées et l’expérience récente de stress émotionnel (Dishman, Nakamura, Garcia, Thompson, Dunn, et Blair, 2000; Task force de la Société européenne de cardiologie et le Nord Société américaine de stimulation électrophysiologie 1996).
3. Aléas, incertitudes scientifiques, verrous technologiques
Afin de réduire les troubles de l’anxiété, les Théarapies Cognitivo-Comportementale Thérapies (TCC) sont généralement utilisée et sont considérées comme le traitement le plus efficace de l’anxiété. En effet, de nombreuses études ont démontré l’efficacité des TCC sur la gestion des affects négatifs tels que les troubles anxieux (Covin et al. 2008; Dugas et al. 2010 ; Olatunji et al., 2010; Richardson & Rothstein, 2008; Stewart & Chambless, 2009). Néanmoins, certains patients ont un sentiment d’ambivalence envers les TCC qui impliquent qu’une exposition ou une activation comportementale peut conduire à un changement (Arkowitz & Westra, 2009) et donc le traitement peut échouer. Au cours des dernières années, les TCC ont inclus la Mindfulness (Kabat -Zinn, 1984) qui permet aux patients de s’ouvrir et de faire attention au moment présent de l’expérience sans jugement, ce en supprimant la réactivité automatique. Deux méta-analyses récentes montrent les avantages de la formation à la pleine conscience pour réduire la détresse chez les patients souffrant de troubles anxieux et pour les personnes en bonne santé (Baer, 2003; Grossman et al., 2004; Hofmann et al., 2010; Kabat- Zinn et al., 1992). La mindfulness semble également améliorer l’efficacité cognitive (Herwig et al., 2010; Moore & Malinowski, 2009), et être liée à la fréquence cardiaque. En effet, Zeidan et al. (2010) ont constaté que la méditation et la pleine conscience peuvent réduire la fréquence cardiaque. En outre, des études d’imagerie fonctionnelle ont montré que la restructuration cognitive peut réduire la perturbation émotionnelle en inhibant les processus automatiques (Beck, 2008; Clark & Beck, 2010). Ceci peut être expliqué par la théorie du double processus cogntif, soit que la cognition humaine est une juxtaposition de deux types complémentaires de processus cognitifs : un processus rigide et non – consciente mais rapides dit « automatique » et un processus contrôlé, lent, conscient et flexible dit « adaptatif » (Evans, 2008; Evans & Franque, 2009). Le premier type de processus cognitif gère des situations simples et familières à travers des actions acquises ou des comportements programmés. Le second type est liée au raisonnement et aux capacités de la pensée contrefactuelle qui désactivent les processus automatiques afin de traiter des problèmes abstraits ou d’anticiper l’avenir (Evans et al., 2009). En outre, certaines études ont montré que les fonctions exécutives sont au cœur du processus d’adaptation à des situations nouvelles et particulières car elles facilitent cette adaptation (lorsque la situation permet à l’individu de se comporter de manière adaptative) en régulant ses émotions (Williams et al., 2009), surtout si la complexité de la situation (ou sa nouveauté) nécessite d’inhiber les réponses automatiques (Suchy, 2009). Dans ce cas, les fonctions exécutives augmentent le contrôle cognitif ce qui réduit l’état d’anxiété et de stress (Compton et al., 2008).
Cependant et bien qu’il y ait suffisamment de preuves concernant l’efficacité de ces traitements pour réduire le stress, tous ne semblent pas avoir un effet immédiat et il faut souvent plusieurs séances avant de parvenir à une réduction stable dans le temps (Kojima et al., 2010; Proudfoot et al., 1997). Il est donc important de développer des thérapies rapides et efficaces qui peuvent réduire le stress notamment quand il s’agit de stress professionnel.
Ainsi, une thérapie basée sur la TCC intégrant à la fois la Mindfulness et l’augmentation du contrôle cognitif devrait réduire l’anxiété. Ce traitement, appelé Gestion des Modes Mentaux (GMM) est basée sur la pleine conscience, les TCC et intègre les dernières connaissances en neurosciences. Il isole les pensées et les schémas dysfonctionnels en considérant que ces pensées sont dysfonctionnelles en raison d’un manque de régulation du cortex préfrontal (Fradin & Le Moullec, 2006).
4. Travaux R&D réalisés, démarche expérimentale
Vingt individus salariés ont participé à cette étude. Les participants ont rempli une lettre de consentement avant de participer à l’étude. Dans le cadre de la sélection des participants, ont été exclus de l’étude ceux qui suivent un traitement médical pour les maladies cardiovasculaires, les troubles du rythme cardiaque (arythmie, extrasystole, tachycardie, etc.), et les troubles de l’humeur. Le jour de l’expérimentation, les participants avaient pour interdiction de consommer des stimulants tels que le thé, café ou l’alcool ou toute autre substance pouvant affecter le niveau de vigilance.
Des mesures physiologiques (variabilité de la fréquence cardiaque) et psychologiques (Stress ressenti et Anxiété-état) ont été réalisées à différentes étapes du protocole. Chaque passation commençait par la pose d’électrodes afin de mesurer l’activité cardiaque (T0), puis une psychologue demandait au participant de choisir une situation stressante professionnelle. Sur la base de cette situation, une première phase « d’immersion » afin de plonger l’individu dans cette situation stressante était mise en place (T1). Ensuite, le participant était invité à faire un exercice de GMM puis à nouveau il était confronté à la situation stressante sous forme « d’immersion » (T2). A la fin de la passation, des explications sur l’étude étaient données au participant.
Les résultats montrent une diminution du niveau de stress ressenti et de la fréquence cardiaque à l’issue de l’exercice de GMM, et ainsi une meilleure adaptation à la situation stressante.
La comparaison des deux situations stressantes d’immersion révèle une diminution du niveau de stress ressenti, de l’anxiété-état et de la fréquence cardiaque : cf. figure 1. Ces résultats mettent en évidence une efficacité de l’exercice dans la gestion du stress chez les participants à la fois juste après l’exercice mais également lors de la reconfrontation à la situation stressante.
L’étude révèle également une variation significative entre hommes et femmes des résultats RMSSD (RMSSD Root Mean Square of Successive Differences) et SD1 (standard deviation of instantaneous beat-to-beat R-R interval variability) : cf. figure 2.
Marie-Héloïse Bardel et Stéphanie de Chalvron ont collaboré à l’écriture d’un article en anglais intitulé « Effect of Mental Mode Management training on state-anxiety and physiological stress » qui sera prochainement soumis à publication auprès d’une revue scientifique à Comité de lecture. L’article peut être fourni à l’administration sur demande, dans le strict respect de la confidentialité tant que celui-ci n’est pas publié. En voici l’abstract et les figures 1 et 2 citées plus haut :
Abstract:
Objective: The aim of this study is to examine the efficacy of a Mental Mode Management (MMM) training on state-anxiety and physiological stress. This therapy is based on Cognitive-Behavioral Therapy and incorporates both mindfulness and the increasing of cognitive control that should reduce anxiety. The univariate and multivariate effects of gender and state-anxiety level on the course of stress also are studied. Method: Voluntary employees participated at this study. A stressful event was chosen by participants at start of experimentation. There are 5 time points: First baseline, a first immersion phase, an exercise of MMM, a second immersion phase and a second baseline. Participants completed a measure of state-anxiety during the immersion phases and the Heart Rate Variability was assessed at all time points of study. Results: A significant decrease of state-anxiety level was show between the two immersions. A significant decrease of HR and SD2/SD1 ratio were also observed. A significant interaction effect between time and gender for RMSDD and for SD1 were showed. Conclusions: These findings highlight the efficacy of MMM training on HRV parameters and level of state-anxiety. MMM seems to play a protective role by foreclosing orthosympathetic change and decreasing anxiety. The fact that we find a gender effect is an incentive for further researches on gender difference in order to adjust therapies not only according to occupation or psychological factors, but also to gender.
Keywords: Mental Mode Management, physiological stress, state-anxiety, heart rate variability, occupational stress.
Figure 1. Curves of HRV indices from T0 to T4.
Notes: T0 = first baseline, T1 = first immersion phase, T2 = “Advantages and drawbacks of success and failure” exercise, T3 = second immersion phase, and T4 = second baseline.
Figure 2. Interaction effect between time measurements and gender for RMSSD
Notes: T0 = first baseline, T1 = first immersion phase, T2 = “Advantages and drawbacks of success and failure” exercise, T3 = second immersion phase, and T4 = second baseline.
5 . Indicateurs de R&D
Au cours de l’année 2013, les travaux ont été présentés au Congrès International de Psychologie de la Santé.
de Chalvron, S., Lafaye, A., Lefrançois, C. & Fradin, J. (2013). Effect of automatic mental mode on occupational stress. Poster presented at the 27th Conference of the European Health Psychology Society (EHPS), Bordeaux, France.
6. Acquisition des connaissances
Cette étude a permis de tester et de montrer l’efficacité d’un exercice de GMM de restructuration cognitive (« Pack Aventure » : Avantages/Inconvénients du succès et de l’échec) sur une population de tout-venant du secteur professionnel. Une restructuration cognitive semble avoir été mise en évidence après exercice.
Le « Pack Aventure » pourrait donc devenir un outil simple de gestion du stress, ou même, de prévention du stress puisqu’il peut être pratiqué en amont de la situation stressante.
Cet outil simple pourrait :
– être facilement enseigné dans le cadre des écoles de management, des cursus universitaires en Ressources Humaines, ou encore des organismes de formation professionnelle continue,
– mais aussi faire l’objet de la création d’une application mobile (ie. pour smartphones, tablettes) ou online (ie. intégrée à un module de e-learning) afin de permettre aux individus de prévenir et gérer leur stress face à l’échec comme face au succès (car le succès est parfois aussi difficile à gérer que l’échec : par exemple, l’obtention d’une promotion peut augmenter la pression, la charge de travail…)
Il sera intéressant d’explorer dans une prochaine étude cette différence liée au sexe de l’individu afin d’adapter plus finement la pédagogie et/ou l’exercice aux populations masculines ou féminines qui seront formées à cet outil pour la gestion du stress au travail.
Toutefois, bien que cette étude ait révélé des résultats prometteurs, des contraintes et limites peuvent également être soulignées. Tout d’abord, chaque passation durait 2h. Étant donné que nous ne nous intéressions qu’aux salariés, cette contrainte temporelle a été importante dans le cadre du recrutement des participants. En effet, il leur était difficile de dégager 2h de leur temps en journée. Enfin, une limite qui peut également être importante concerne le fait que, vraisemblablement, ce sont les personnes les plus concernées par le stress qui ont accepté plus facilement de participer à cette étude. Ce biais nécessitera d’être corrigé dans nos recherches futures.
7. Ressources humaines
Nom | Fonction dans le projet | Nbre heures/jours consacrées à la Phase N | Nb total d’heures/jours affectées au projet |
De Chalvron Stéphanie | Ingénieur de recherche | 46 heures | 46 heures |
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[1] Le Locus of Control ou LOC est un concept proposé par Rotter en 1954 (cité par (Rotter, 1990)) selon lequel les personnes internes sont celles qui s’attribuent ce qui leur arrive et les personnes externes pensent que ce qui leur arrive est dépendant de facteurs extérieurs.
NOM DU PROJET : AS7 – Reprise et finalisation de l’évaluation de l’effet d’une formation aux exercices de Gestion des Modes Mentaux (GMM) sur le niveau de stress de l’individu tout-venant |
Date de début : 2008 | Date de fin : 2013 |
R – Psychologie – Psychologie de la santé |
1. Objectifs du projet
L’Institut de Médecine Environnementale (IME) a mis au point une nouvelle technique de gestion du stress, les exercices dits de gestion des modes mentaux (GMM). Ces exercices ont pour finalité de développer les capacités de gestion du stress (et d’adaptation) de l’individu. Les études menées sur ce thème évaluent l’impact de ces exercices sur la gestion du stress et sur l’adaptation en situation dégradée. L’équipe de l’IME cherche également à mettre en évidence la pertinence du modèle considérant que le recours à un mode de fonctionnement adaptatif, sous-tendu par l’activité du cortex préfrontal, devrait permettre une meilleure gestion du stress et de l’adaptation en situation difficile (Fradin, Lefrançois, & El Massioui, 2006; Fradin, Aalberse, Gaspar, Lefrançois, & Le Moullec, 2008).
Dans ce cadre, l’objet du présent projet est d’évaluer l’impact de ces exercices de GMM sur le niveau de stress d’individus tout-venant et sur leurs stratégies de « coping » (soient les stratégies mises en place pour faire face à la situation).
L’IME a déjà mené des études portant sur l’effet de formations de GMM mais sur une population spécifique, les élèves-pilotes de l’Armée de l’Air Française (Lefrançois, 2009; Fornette et al., 2012). Ces études ont mis en évidence une diminution de l’anxiété-état, des modifications dans l’utilisation des stratégies d’ajustement et une amélioration des performances en vol chez les individus ayant suivi une formation de GMM. Ces résultats étant encourageants, l’impact de ces formations a donc été testé chez une population non spécifique (individus tout-venants). L’objectif était ici de mesurer l’effet d’une formation de GMM sur le niveau d’anxiété-état et l’utilisation des stratégies de « coping » dans une population d’individus tout-venants. Cet impact est évalué sur le court et le long terme (jusqu’à 12 mois après la formation) pour tester les effets immédiats de la formation et leur stabilité dans le temps.
Cette étude a été réalisée dans le cadre du master 2 Recherche (Psychologie et processus cognitifs) de Mlle Aurélie Van Dijk, salariée à l’IME. Elle a débuté en 2008 en collaboration avec le laboratoire Cognitions Humaine et Artificielle de l’Université Paris 8 (Vincennes-Saint Denis).
2. État de l’art
Dans le modèle transactionnel du stress (Lazarus & Folkman, 1984, 2004), le stress est déterminé par la perception que l’individu a de sa relation spécifique avec son environnement, perception qui résulte pour une part de facteurs personnels et situationnels et pour une autre part de variables transactionnelles, dont le stress perçu, le soutien social perçu, le contrôle perçu et le coping. Les auteurs le définissent ainsi comme « une transaction particulière entre un individu et une situation dans laquelle celle-ci est évaluée comme débordant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien-être » (Lazarus et al. 1984a, p.141). Dans cette conception, l’impact d’un stresseur n’est pas une simple relation de cause à effet et le stress ne peut être réduit ni à sa composante environnementale (source de stress ou stresseur) ni à sa composante individuelle (contraintes et ressources personnelles). Par conséquent, le stress est vu comme le résultat d’une conjonction entre la perception individuelle d’une situation aversive qui est fonction des contraintes et ressources personnelles et du processus d’adaptation (coping) à cette situation (figure 1).
Les sources du stress sont multiples, individuelles (maladie, handicap), familiales, professionnelles, sociales (conditions de vie, niveau socio-économique, ethnie), il s’agit de faits objectifs qui pourtant n’auront pas le même impact d’un individu à l’autre. C’est, selon le modèle transactionnel du stress, l’évaluation cognitive faite par l’individu qui va en moduler l’impact, cette évaluation pourtant subjective devient alors plus essentielle que les faits objectifs eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle on distingue le stress objectif (relié à des facteurs biologiques telle que l’augmentation du taux de cortisol) du stress psychologique, lequel dépend donc de l’évaluation qu’un individu se fait de la situation stressante, mais également de l’évaluation qu’il se fait de ses capacités à s’ajuster aux demandes de cette situation. Ainsi, ce qui est stressant, c’est « la discordance ressentie entre les ressources existantes et perçues comme insuffisantes et les contraintes de la situation » (Fisher & Tarquinio, 2004, p.94).
Bien qu’aucun ordre chronologique ne soit instauré dans le processus d’évaluation, Lazarus distingue donc deux dimensions à l’évaluation, les dimensions primaire et secondaire : « Le choix de la terminologie, «primaire» et «secondaire» est regrettable pour deux raisons. Tout d’abord, ces termes suggèrent, à tort, que l’une (primaire) est plus importante que l’autre, ou que l’une précède l’autre dans le temps. Aucune de ces significations n’est entendue comme telle » (Lazarus et al., 1984, p. 31). La dimension primaire fait référence aux enjeux que représente la situation en terme de menace, de perte ou de défi et donne lieu au stress perçu, et la dimension secondaire correspond à l’appréciation des ressources disponibles et donne lieu au soutien social perçu et au contrôle perçu. Des facteurs personnels qui peuvent être cognitifs, motivationnels ou dispositionnels (optimisme, lieu de contrôle[1], anxiété, dépression …), des facteurs situationnels (imprévisibilité, ambiguïté, incontrôlabilité de la situation) ainsi que des facteurs sociaux (réseau social, revenus…) vont influencer ces deux évaluations. Mais, ce qui est central dans ce processus évaluatif, ce sont les émotions, ainsi, en 1999, Lazarus qualifie même l’approche de ce modèle de « cognitive-motivationnelle-relationnelle », où chaque émotion ressentie par l’individu est fonction d’un « thème relationnel central » (Core Relational Theme, CRT). Ce CRT correspond aux buts que la personne s’est fixé. Si la situation n’est pas pertinente en rapport à ces buts, il n’y aura pas d’émotion, en revanche, si elle interfère avec les buts fixés, toutes les émotions sont envisageables, ainsi « les émotions découlent de l’évaluation de l’impact d’un événement sur les objectifs évalués » (Lowe & Bennet, 2003). Lorsqu’elles sont négatives (peur, colère, tristesse, dégoût… ), elles donnent lieu à la perception d’un stress, lequel engage un nouvel enjeu en terme de protection de l’estime de soi qui va lui-même influencer la perception du pouvoir et du contrôle sur la situation ainsi que du soutien social disponible et par la suite de l’ajustement comportemental.
Le contrôle perçu est un processus transactionnel qui fait référence à la croyance, qu’un individu a, de pouvoir ou non maitriser la situation, et cette croyance est également dépendante du caractère objectivement contrôlable de la situation.
Barrera (cité par (Beauregard & Dumont, 1996) définit le soutien social selon trois dimensions : l’intégration sociale, le soutien social reçu et le soutien social perçu. Pour Cohen et Syme (1985) le soutien social perçu correspond d’une part à la perception qu’a l’individu de la disponibilité de son entourage quand il est face à une difficulté et d’autre part, à la satisfaction qu’il pense pouvoir retirer de ce soutien. Vaux (cité par Beauregard et al. 1996) souligne que les définitions du soutien social ne font pas l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique, ce que Bruchon-Schweitzer (2002) explique par le fait que les chercheurs s’attachent plus à sa validité prédictive qu’à sa validité théorique. L’ajustement à la situation (coping) découle de ces perceptions transactionnelles du stress, du contrôle et du soutien social.
La notion de coping fait référence aux « stratégies d’ajustement », soit aux efforts cognitifs et comportementaux déployés pour faire face à une situation spécifique évaluée par l’individu comme étant aversive. Ainsi, Lazarus et al. (1984) définissent le coping comme l’« ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et l’événement perçu comme menaçant, pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur son bien-être physique et psychologique » (traduction Paulhan & Quintard, 1994). Les stratégies de coping correspondent donc à une réponse spécifique aux contraintes exercées par la situation, et ce serait l’évaluation (primaire et secondaire) de cette situation qui déterminerait le choix des stratégies de coping utilisées par le sujet. Selon Folkman et Lazarus (1980), un individu peut s’ajuster à une situation en se focalisant sur sa cause, prenant le problème à sa source ou bien en cherchant à réguler ses émotions engendrées par le stress. Dans le premier cas, on parle de stratégies orientées vers la résolution de problème, qui sont des stratégies dites « actives » (ou coping orienté vers le problème) et dans le second de stratégies orientées vers les émotions (ou coping émotion), qui sont des stratégies dites « passives ». Les stratégies centrées sur le problème seraient majoritairement utilisées si la situation est contrôlable, et les stratégies centrées sur l’émotion seraient prépondérantes lorsque la situation n’est pas modifiable. Un troisième type de stratégies qui n’est pas toujours considéré comme tel est la recherche de soutien social. Pour certains auteurs, le soutien social est une ressource et à ce titre sa recherche fait partie de l’évaluation, mais pour d’autres, puisqu’il sous-tend l’idée d’efforts réalisés par le sujet pour obtenir l’aide d’autrui, il s’agit bien d’une stratégie (Bruchon-Schweitzer, 2001a). Cependant, lorsque les individus cherchent à obtenir des conseils, une assistance ou des informations, cette stratégie est parfois classée dans le type « coping orienté vers le problème » et non dans la « recherche de soutien social », et quand les individus cherchent un soutien moral, de la compassion ou de la compréhension, certains auteurs l’envisagent comme un coping centré sur les émotions (Aldwin & Yancura, 2004). Mais, si l’on considère les deux dernières dimensions de la classification d’House (1981, cité dans House, Kahn, McLeod & Williams, 1985), il devient possible d’appréhender la recherche de soutien social comme un type de stratégies de coping à part entière puisque ces deux dimensions ne relèvent d’une centration ni sur le problème ni sur l’émotion. En effet, House décrit quatre types de soutien social : le soutien émotionnel (empathie, sollicitude, amour, confiance, estime ou manifestations d’intérêt), le soutien informatif (suggestions, conseils ou informations aidant à résoudre les problèmes), le soutien d’estime (rassurer une personne sur ses compétences, sa valeur, renforcer son estime d’elle-même …) et le soutien instrumental (aide directe sous forme d’argent, de temps ou de travail).
Figure 1. Modèle transactionnel du stress de Lazarus et Folkman (1984) in
Bruchon-Schweitzer, 2002, p. 92.
3. Aléas, incertitudes scientifiques, verrous technologiques
Actuellement, les thérapies comportementales et cognitives (ou TCC) appliquées à la gestion du stress présentent une efficacité significativement supérieure comparé à d’autres techniques comme la relaxation, les programmes multimodaux et les interventions focalisées sur l’organisation (van der Klink, Blonk, Schene, & van Dijk, 2001). Ces TCC s’appuient sur des modèles issus des théories de l’apprentissage (Bandura, 1977; Pavlov, 1927; Skinner, 1938) et des modèles cognitifs (Beck, 1984). Les théories de l’apprentissage mettent l’accent sur la modification des comportements observables (moteurs et verbaux) tandis que les modèles cognitifs s’intéressent aux processus de pensées (ou cognitions) liés à ces comportements. En situation stressante, les cognitions d’un individu peuvent être automatiques et irrationnelles et ses comportements inadaptés (Beck, Rush, Shaw, & Emery, 1979). Les techniques de gestion du stress des TCC s’appliquent donc à rationaliser les pensées et à adapter les comportements des sujets stressés, en s’appuyant également sur le modèle de Lazarus et al. (1984). Elles restent efficaces si on considère un laps de temps relativement court, notamment car leur principe s’inscrit dans « l’ici et le maintenant », mais lorsque la situation stressante s’installe dans le temps (maladie, situation professionnelle difficile..), leur efficacité diminue, nous cherchons donc à développer une technique qui puisse être efficace aussi bien à court qu’à long terme. Ainsi et en faisant le parallèle entre l’ensemble de ces modèles et le modèle cognitif de Schneider et Shiffrin (Schneider & Shiffrin, 1977; Shiffrin & Schneider, 1977) et d’Evans (Evans, 2008 ; Evans & Frankish, 2009; Evans, 2010) qui distinguent deux modes de traitement de l’information, un mode automatique et un mode adaptatif, nous pensons que le stress s’installerait dans le temps, lorsqu’un individu penserait et agirait selon un mode de traitement automatique (Ellenbogen, Schwartzman, Stewart, & Walker, 2006). En revanche, un mode contrôlé ou adaptatif interviendrait dans la régulation émotionnelle du stress car l’individu mettrait alors en place des processus cognitifs tel que la réévaluation de la situation (Lazarus & Folkman, 2004; Gross, 2002). Le recrutement du mode contrôlé jouerait donc un rôle clé dans la gestion du stress à long terme. Dans ce cadre, des exercices cognitifs et comportementaux ont été mis en place pour diminuer le stress. Ils sont destinés à développer le mode de fonctionnement contrôlé, que l’on qualifiera de mode mental (MM) adaptatif (Fradin et al., 2006; Fradin et al., 2008). Ces exercices de gestion des modes mentaux (GMM) favoriseraient la plasticité cognitive en développant la capacité à basculer d’un MM automatique vers le MM adaptatif en situation de stress.
4. Travaux R&D réalisés, démarche expérimentale
Nous avons observé des effets significatifs des formations de GMM sur le niveau d’anxiété et sur l’utilisation des stratégies d’ajustement d’élèves-pilotes de l’Armée de l’Air (Fornette et al., 2012; Lefrançois, 2009). Par conséquent, nos hypothèses étaient que des effets comparables seraient observés chez une population d’individus tout-venant.
Dans le cadre du présent projet, trente-huit individus ont suivi une formation de GMM dispensée en deux séances de trois heures chacune (annexe 2). Le niveau d’anxiété-état et les stratégies de « coping » des participants ont été mesurés avant et après les deux séances de formation à l’aide de l’inventaire d’anxiété-état (Spielberger, 1973) et de l’inventaire des stratégies de « coping » en situations stressantes (Endler & Parker, 1990). Les passations « après formation » ont été réalisées après la deuxième séance ainsi qu’à 1, 3, 6 et 12 mois après la fin de la formation. Les résultats des analyses de variance univariées et multivariées révèlent une diminution des scores d’anxiété-état immédiatement après la formation et cette diminution se maintient dans le temps (jusqu’à 12 mois après). De même, nous observons une modification des stratégies d’adaptation des participants sur le court et le long terme dans le sens d’une diminution des stratégies de « coping » centrées sur l’émotion (ensemble des tentatives effectuées pour contrôler la tension émotionnelle induite par la situation) et une augmentation de celles orientées vers la tâche (ensemble des efforts entrepris pour affronter la situation). Ces résultats suggèrent également que l’utilisation privilégiée de stratégies d’adaptation centrées sur la tâche au détriment de stratégies centrées sur l’émotion contribue plus à la diminution de l’anxiété que l’inverse (le recours à des stratégies d’adaptation centrées sur l’émotion associé à une faible utilisation de stratégies centrées sur les émotions). La formation semble avoir un effet sur l’état d’anxiété, l’effet du temps étant significatif (F(5,139) = 11,11 ; p < 0,001, h2 = 0,29). L’état d’anxiété diminue au fil du temps, la moyenne des scores est en effet de M=72,30 (ET=9,57) avant la formation, de M=58,90 (ET=12,32) après la formation et de M=54,08 (ET=10,66) un an plus tard. Les tests post-hoc (Bonferroni) indiquent une différence de moyennes pré et post formation (T0/T1) significative (D = 13,39, p < 0,001), différence que l’on retrouve entre T0 et tous les autres temps de mesure (respectivement, DT0/T2 = 12,03, p < 0,001 ; DT0/T3= 14,96, p < 0,001 ; DT0/T4 = 16,30, p < 0,001 ; DT0/T5 = 18,22, p < 0,001). La formation semble également avoir un effet sur le coping centré sur l’émotion (F(5,139) = 7,01, p < 0,001, h2 = 0,21), les personnes paraissant de moins en moins l’utiliser entre T0 et T5, en effet la moyenne des scores à T0 est de M=55,97 (ET=8,49), de M=50,52 (ET= 10,23) à T1 et de M=44,95 ( ET=9,58) à T5. Si la différence de moyennes n’est pas significative entre T0 et T1, on retrouve des différences de moyennes significatives entre T0 et tous les autres temps de mesures (respectivement DT0/T2 = 9,35, p < 0,01 ; DT0/T3= 12,81, p < 0,001 ; DT0/T4 = 10,80, p < 0,005 ; DT0/T5 = 11,03, p < 0,001). L’effet de la formation semble plus modeste concernant l’utilisation du coping centré sur le problème, certes les moyennes des scores augmentent entre T0 (M=45,35 ; ET= 10,89), T1 (M=49,45 ; ET= 11,27) et T5 (M=51,53 ; ET= 11,06), mais, et bien que l’effet du temps soit significatif (F(5,139) = 3,17, p < 0,01, h2 = 0,11), la différence de moyennes n’est significative qu’entre T0 et T5 (DT0/T5= -11,42, p < 0,005). Si on contrôle l’effet du genre et de l’âge (ANCOVA), les droites de régression étant homogènes, les effets du temps sont toujours significatifs pour l’état d’anxiété (F(5,134) = 11,31, p < 0,001, h2 = 0,31), le coping centré sur l’émotion (F(5,134) = 7,53, p < 0,001, h2 = 0,23), le coping centré sur le problème (F(5,134) = 3,60, p < 0,005, h2 = 0,13).
L’effet de l’utilisation faible ou élevée du coping sur l’anxiété est significatif concernant le coping problème (F(1,140)= 8,28, p < 0,00, h2 = 0,66), et le coping émotion (F(1,140) = 15,001, p< 0,001, h2 = 114) mais pas pour le coping évitement (F(1,140)= 2,74, ns). Mais, si on contrôle le temps, l’effet n’est plus significatif (respectivement, F(1,140)= 0,26, ns ; F(1,140)= 0,24, ns et (F(1,140)= 0,60, ns). L’appartenance à un groupe d’utilisation des différents coping spécifique a un effet sur l’anxiété état (F(7,140) =9,821, p < 0,001, h2 = 0,407) mais cet effet ne diffère pas dans le temps (F(28, 140) = 1,15, ns). On observe un effet significatif de l’évolution de l’utilisation du coping centré sur le problème sur l’état d’anxiété avant et après la formation, effet qui se maintient jusque 3 mois après la formation. L’évolution de l’utilisation du coping émotion est tendanciel jusque 3 mois également après la formation. On n’observe cependant pas d’effet de l’évolution du l’utilisation du coping évitement.
Les limites concernant cette étude ont été liées au temps dont a disposé la responsable du projet, Mlle Van Dijk, pour effectuer cette étude. En effet, ce projet s’est inscrit dans le cadre de son master 2, d’une durée d’un an, ce qui a constitué une période restreinte pour pouvoir mettre en place le protocole de recherche, recruter les participants à l’expérience, trouver des dates pour pouvoir réunir tous les participants, animer les groupes de formation, etc. Ainsi, pour réduire la période de recrutement des participants, leur nombre a été réduit au minimum requis pour pouvoir permettre l’extraction de données statistiques. De plus, ce faible échantillon de la population ne permettait pas de constituer trois groupes : un groupe suivant une technique cognitive et comportementale de gestion du stress validée, un groupe suivant une formation de GMM et un groupe contrôle. Des études ultérieures seront donc menées sur un plus large échantillon d’individus répartis aléatoirement dans ces trois groupes.
Enfin, le présent travail pourra être complété par des mesures en imagerie fonctionnelle afin de mettre en évidence les activités cérébrales à l’origine des résultats obtenus. En effet, une telle étude en imagerie pourra permettre de tester l’hypothèse selon laquelle les exercices de GMM pourraient favoriser l’activité du cortex préfrontal, qui semble être le siège des processus adaptatifs et de la régulation des émotions (Fernandez-Duque & Posner, 2001).
5. Indicateurs de R&D
Cette recherche a d’ores et déjà été présentée à la communauté scientifique lors de la 27ème conférence de la Société Européenne de Psychologie de la santé :
de Chalvron, S., Lafaye, A., Lefrançois, C. & Fradin, J. (2013). Effect of automatic mental mode on occupational stress. Poster presented at the 27th Conference of the European Health Psychology Society (EHPS), Bordeaux, France.
Ainsi qu’au congrès européen de la société Grecque de Neurosciences
Van Dijk, A., Moghaizel, Ch., Lefrançois, C., Fradin, J. & El Massioui, F. (2009). Stress and adaptation. 41st European Brain and Behaviour Society Meeting, 2nd stress satellite and 23rd Hellenic Society for Neuroscience Meeting, Rhodes Island, Greece.
Et elle fait l’objet d’un article qui a été finalisé et envoyé à la Revue Européenne de Psychologie Appliquée en 2013. Il a été transmis aux rapporteurs et nous attendons leurs retours. Ainsi, les résultats de cette étude seront diffusés auprès de la communauté scientifique de manière plus large.
6. Acquisition des connaissances
Les résultats de la présente étude vont dans le sens de nos hypothèses et rejoignent ceux obtenus auprès des élèves-pilotes de l’Armée de l’Air (Fornette et al., 2012; Lefrançois, 2009). Ces résultats confirment l’importance de l’explication des processus du stress dans la démarche pédagogique de la formation GMM. Jones et Johnston (2000) soulignent le rôle fondamental d’une telle approche dans l’efficacité de programmes de gestion du stress. A ce titre, la thérapie cognitive et comportementale (TCC) de gestion du stress , dont les effets sur le long terme ont également été mis en évidence, prévoit une explication didactique sur le stress. Cette partie psycho-éducative faciliterait la compréhension et l’appropriation de compétences métacognitives, qui peuvent contribuer à l’utilisation sur le long terme des stratégies d’adaptation apprises.
Une autre piste d’explication des effets sur le long terme concerne la diversité des exercices proposés dans ce programme et par conséquent l’activation de différentes voies d’accès à la régulation émotionnelle. Cette diversité des techniques permet à chaque participant d’en choisir une (ou plusieurs) qu’il jugera adaptée à sa situation et facilitera le passage d’un mode mental inadapté à un mode mental adapté. De plus, le programme de GMM prévoit des exercices orientés vers la régulation des émotions en situation stressante. Ces derniers, de part leurs similitudes avec la Mindfulness, peuvent expliquer la diminution de l’anxiété-état observée. La Mindfulness invite l’individu à prendre conscience de toutes les facettes de son état actuel, sans jugement, à s’exposer à des sensations désagréables et à les explorer avec curiosité. Cette forme d’exposition promeut un processus d’acceptation active, soit un changement d’attitudes par extraction des automatismes. Un autre exercice peut également expliquer ces résultats sur l’anxiété-état. L’exercice de perception multi-sensorielle a pour objectif de solliciter la curiosité sensorielle des individus dans l’instant présent. Comme pour la Mindfulness, cet exercice demande au sujet de porter son attention sur les informations auditives, somesthésiques et visuelles de son environnement. Ce type de techniques a montré son efficacité dans la gestion du stress. Toutefois, à la différence de la pleine conscience, l’exercice de GMM, propose à l’individu de prendre en compte simultanément ces différentes informations. Cette attention sur une ou plusieurs informations environnementales permettrait de bloquer les pensées parasites de la situation stressante, par un processus d’inhibition. Or la fonction exécutive d’inhibition est considérée comme un micro-ajustement aussi bien dans le cadre du contrôle cognitif que dans la régulation émotionnelle, sollicitant ainsi les processus du type 2. Enfin, les méthodes de restructuration ou de décentration cognitive des TCC de deuxième vague ont été intégrées dans le programme de GMM. En effet, certains exercices de GMM agissent sur la suppression des exigences rigides, considérées comme un biais cognitif, et d’autres proposent une remise en question des pensées automatiques irrationnelles et des certitudes associées à la situation stressante du sujet dans le but de réduire le niveau d’anxiété-état. Ces méthodes ont montré leur efficacité dans la gestion du stress [25,26]. Elles renforcent également l’utilisation de processus de type 2 et inhibent les processus de type 1, entraînant une réduction des troubles de l’humeur. La mise en place de ce type d’exercice cognitif peut sans doute expliquer la diminution de l’anxiété-état observée ainsi que la modification de l’utilisation des stratégies de coping.
Les effets du programme de GMM observés sur le niveau d’anxiété-état et sur les stratégies de coping spécifiques se maintiennent donc douze mois après formation, cependant les recherches ultérieures devront confirmer ces résultats sur un échantillon plus large et les comparer à ceux d’un groupe contrôle. Par ailleurs, la situation stressante choisie au départ par les participants se devait être identique tout le long de l’expérience, or, le fait d’être centré exclusivement sur une situation ne permet pas de modifier en profondeur le style de coping des individus, notamment à cause de l’effet d’habituation. Les prochaines études devront veiller à faire varier les sources de stress.
En conclusion, nos résultats montrent l’impact immédiat et à long terme d’un programme de GMM sur l’anxiété-état et les stratégies de coping. L’efficacité thérapeutique de la GMM devra cependant être comparé à celui d’autres techniques afin d’en examiner les réels bénéfices.
Le présent projet a donc permis de mettre en évidence l’efficacité des outils de GMM sur l’anxiété-état et l’utilisation des stratégies d’adaptation dans une population non spécifique à la fois sur le court et sur le long terme. Il a également permis de tester une version allégée des formations de GMM. En effet, le format de formation testé dans la présente étude a été de 6 heures, tandis que les formats usuels de GMM durent au moins 12 heures. Ce point est d’autant plus intéressant que les programmes de formation collective proposés par les TCC prévoient 15 heures en moyenne sur une période de 10 semaines (Crepaz et al., 2008).
7. Ressources humaines
Nom | Fonction dans le projet | Nbre heures/jours consacrées à la Phase 1 | Nbre heures/jours consacrées à la Phase 2 | Nbre heures/jours consacrées à la Phase N | Nb total d’heures/jours affectées au projet |
El Massioui Farid | Directeur de recherches | 120 heures | 120 heures | ||
Fradin Jacques | Directeur IME | 30 heures | 30 heures | ||
Van Dijk Aurélie | Chargée de projet | 18 heures | 18 heures |
8. Références bibliographiques
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[1] Le Locus of Control ou LOC est un concept proposé par Rotter en 1954 (cité par (Rotter, 1990)) selon lequel les personnes internes sont celles qui s’attribuent ce qui leur arrive et les personnes externes pensent que ce qui leur arrive est dépendant de facteurs extérieurs.