Programme Lauréat de Paris-&-Co.

Réduire la consommation d’énergie dans l’habitat est un des objectifs importants pour réussir la transition énergétique.

Identifier les déterminants de la résistance au changement ou des effets rebonds induits par le relâchement des efforts dans des bâtiments performants est l’objectif de cette étude, qui tient compte de quatre aspects :

  • niveau d’information technique
  • connaissances et représentations
  • appartenance sociale
  • individu et motivation primaires (ou intrinsèques)

Constat

En termes de consommation énergétique individuelle dans les habitations, il existe une évolution des systèmes de valeur liés à la sensibilité écologique mais en faible corrélation avec la consommation réelle.

Ce qui s’explique notamment par les représentations (croyances) et la recherche de confort.

 

Cliché NASA
Problématique
En alliant technicité, ingénierie, communication et psychologie les résultats en terme de modification des comportements et de réduction de la consommation énergétique seront-ils plus performants ?
La communication technique seule permet-elle de modifier les comportements ou faut-il l’allier à la psychologie ?
Certains individus ont-ils plus de compétences individuelles que d’autres à modifier les comportements d’autrui (ie. être un bon ambassadeur) ?
Peut-on encore se passer de transdisciplinarité ?
Objectifs

Objectif principal : identifier les déterminants de la résistance au changement, ou des effets rebonds (baisse des efforts de dépense énergétique dès lors que le bâtiment est considéré comme performant) en tenant compte de quatre aspects : 

  • technique 
  • connaissances et cognition  
  • appartenance sociale  
  • individu et personnalité. 

Objectifs secondaires : évaluer les effets simples et multiples de quatre outils permettant de modifier les comportements, 

  • communication technique  
  • communication technique et cognitive (psychologique) 
  • travail sur la norme (via la personnalité), 
  • gestion des modes mentaux.  

 

Méthode

Recherche longitudinale (14 mois), repartie en 6 temps :

  1. Évaluation des sites dexpérimentation et réalisation des différents supports de communication. 
  2. Première mesure des variables psychologiques et mesure de la consommation énergétique réelle des participants, + entretien téléphonique ou présentiel. 
  3. Constitution des groupes expérimentaux. 
  4. Seconde mesure de lensemble des variables dans chaque groupe. 
  5. Troisième mesure de lensemble des variables dans chaque groupe.
  6. Quatrième mesure de l’ensemble des variables, + entretien téléphonique ou présentiel.

 

Présentation de l’étude

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Mise à jour : mai 2015

 

NOM DU PROJET : DD6- Étude des liens entre personnalité, utilisation des fonctions cognitives et éco-consommation énergétique.
Date de début : 2013 Date de fin : 2016
R – Psychologie

 

1.    Objectifs

Introduction : Dans le cadre d’une recherche transdisciplinaire, qui associe psychologie, sociologie et technologie, il s’agit d’analyser les comportements de consommation énergétique sur un axe différentiel, soit sur un site de bâtiments qui seront équipés de capteurs d’énergie et d’enregistreurs des consommations d’énergie et sur un autre site non équipés. Nous évaluerons les liens entre les profils psychosociaux des utilisateurs/habitants, leurs comportements énergétiques, leur consommation énergétique subjective (perçue) et objective (mesurée). Puis, dans une seconde étape nous réaliserons une étude interventionnelle mettant en œuvre diverses stratégies de sensibilisation des usagers à la nécessité et aux moyens d’une plus grande sobriété énergétique. En effet, l’efficacité énergétique des logements/locaux et matériels utilisés ne suffit pas, à elle seule, à réduire les consommations d’énergie. Nombre d’études ont montré les limites de l’efficacité énergétique purement technique : les euros économisés sont très vite dépensés dans d’autres investissements souvent plus énergivores. Parallèlement, certaines opérations dont « défi familles à énergie positive » montrent que la modification comportementale des usagers reste une étape clé de la consommation éco-énergétique. Ainsi, l’efficacité technique doit aller de pair avec la sobriété comportementale. Et il n’est de sobriété sans une pédagogie adaptée, inscrite dans une démarche durable et transversale, dans le temps avec les usagers.

Les objectifs :

Objectif principal : identifier les déterminants de la résistance au changement, ou des effets rebonds (baisse des efforts de dépense énergétique dès lors que le bâtiment est considéré comme performant).

4 aspects : technique, connaissances et cognitions, norme d’internalité (appartenance sociale), individu/personnalité.

Objectifs secondaires : identifier les effets simples et multiples, directs et indirects (en terme de variance expliquée) d’outils de modification des comportements

4 aspects : communication technique, communication technique et cognitive, travail sur la norme (via la personnalité), norme et gestion des modes mentaux.

Nous pensons démontrer que l’adoption de comportements de consommation favorisant le développement durable et l’atténuation de la résistance au changement sont plus aisées pour les individus assertifs disposant d’un LOC interne modéré (croyances rationnelles), d’un fort sentiment de cohérence et dont les connexions entre cortex préfrontal et amygdale permettent un mode de pensée adaptatif. Nous faisons également l’hypothèse que ces personnes sont les plus enclines à convaincre les membres de leur groupe à adopter ces comportements sans les imposer, soit sans créer de la résistance au changement, notamment chez les dominants de leur groupe d’appartenance. Néanmoins, nous pensons que l’effet des variables personnelles (LOC, SOC, assertivité et mode mental adaptatif) est médiatisé par l’influence informative et normative. Enfin, nous pensons qu’un équipement technologique efficace accentue l’effet des variables telles l’assertivité et un mode mental adaptatif. Cette démonstration permettra d’envisager des formations ou des pédagogies (sous toutes formes) visant à atténuer la résistance au changement des consommateurs et à terme de diminuer les dépenses énergétiques.

 

2. État de l’art

Si, en 2001, la part des ménages représentait 26% de la consommation énergétique, les chiffres précédents permettent de prévoir une augmentation de 35 % d’ici 2020 tout en tenant compte des gains en matière d’efficacité énergétique. Cette augmentation prend principalement sa source dans l’augmentation de la taille des logements, dans le nombre démultiplié d’appareils électriques possédés, dans la hausse des standards de confort individuel mais également dans l’absence de modification des comportements individuels de consommation énergétique qui restent une des clés de la baisse ou au contraire de l’augmentation de la consommation énergétique. Et ce, bien que le sujet de la consommation durable, responsable ou citoyenne, ait, au cours de la dernière décennie, gagné en intérêt auprès des consommateurs.

Dans le champ de la psychologie, l’absence de modification (ou lenteur de modification) des comportements de consommation est principalement expliquée par la théorie de la résistance au changement. Laquelle est pour une part issue des travaux sur la dissonance cognitive et plus récemment sur ceux concernant le sens de la cohérence (SOC, Sense of Coherence), concept proche mais pourtant différent. La dissonance cognitive est un concept élaboré par Festinger (1957) qui a démontré que lorsqu’une cognition pré-existante se trouve perturbée par une nouvelle cognition antagoniste de la précédente, l’individu se trouve alors en état de tension psychique (ou état de dissonance cognitive). Cet état de tension va l’engager à mettre en place des stratégies conscientes ou inconscientes (ou mode de réduction de la dissonance cognitive) qui visent à restaurer son équilibre cognitif.  Parmi ces stratégies, on trouve le rejet (ou l’oubli) pur et simple de la nouvelle cognition, ou encore la création de cohérence là où il n’y en a pas forcément. Il s’agit ici de créer un lien entre les deux cognitions afin de les rendre toutes deux pertinentes. Une troisième consiste à adapter la cognition initiale à la nouvelle ainsi qu’au comportement qui en découle, de fait, la pensée s’adapte alors au comportement et non l’inverse. Une autre de ces stratégies pour réduire la dissonance cognitive est le processus de rationalisation. Largement utilisée par les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC), il consiste à modifier les croyances et les attitudes antérieures pour les accorder à la nouvelle cognition. Néanmoins, quand l’individu utilise cette stratégie sans l’aide d’un thérapeute formé aux TCC, elle est fréquemment tronquée, on parle alors de rationalisation limitée. Par exemple, on verra chez un individu apprécié uniquement ses qualités, alors qu’on ne verra que les défauts d’une personne peu ou pas appréciée. Les faits et gestes de cette personne étant analysés selon un filtrage cognitif sélectif. Ce filtrage est inconscient et s’exerce pour toute observation de l’environnement individuel, il permet à la fois de conforter un système de pensée préétabli et également de réduire les tensions créées par la dissonance.  En termes de consommation énergétique, un individu sensible aux problématiques environnementales mais de nature frileuse, ne diminuera que peu ou pas sa consommation énergétique et, pour réduire sa dissonance pourra, par exemple, se justifier son comportement par le fait que son logement est bien isolé. Le sens de la cohérence ou SOC est, quant à lui, un concept élaboré par Antonovsky (1990) dans le contexte d’une théorie sociocognitive originale qui a fait suite à l’étude clinique des récits des survivants des camps de concentration. Un individu cohérent perçoit les événements extérieurs et sa propre vie comme compréhensibles, maîtrisables et ayant une signification pour le sujet (système de valeurs, engagement). Le SOC apparaît comme une ressource qui atténue l’impact des événements stressants que ce soit sur la santé ou sur la qualité de vie individuelle. Par ailleurs, il permet la mise en place de comportements ou de réaction face aux diverses situations du quotidien aversives ou non, logiques et accordés au système de valeurs de l’individu, réduisant alors la dissonance cognitive. A l’inverse de cette dernière qui est un état (prolongé ou non), le SOC apparaît comme étant une disposition individuelle, soit un trait de personnalité. Donc, dans le contexte de la consommation durable, un individu plongé dans une dissonance cognitive, par exemple « Je sais qu’il faut que je réduise mes déchets, je sais aussi que trois berlingots de lessive sont plus économiques en termes de déchets qu’un bidon, mais comme c’est moins pratique, et que cela altère mon confort, je continue d’acheter des bidons », aura tendance à mettre en place de nouvelles croyances (ex : finalement, trois berlingots prennent plus de place au niveau déchet qu’un bidon) pour réduire sa dissonance (= je ne pense qu’à mon confort et je ne protège pas la planète). Mais, si ce même individu dispose d’un SOC élevé et que son système de valeur intègre la protection de l’environnement, alors il réduira sa dissonance par la recherche d’informations et l’adoption d’un comportement rationnel. En effet, les individus dont le SOC est élevé ont tendance à adopter des comportements qu’ils vont juger bons, notamment pour leur santé, leur qualité de vie et celles de leur entourage.

D’un aspect socio-psychologique, l’explication de la résistance au changement se trouve dans la systémie (ou niveau groupal, selon Doise, 1982) sachant que n’importe quel groupe social, dont la famille (ou ménage) constitue un système. Le fonctionnement d’un système repose sur le principe d’homéostasie. Par conséquent, si une force est exercée sur un système, ce système lui opposera sa propre force en retour dans le simple objectif de maintenir son équilibre (Anzieu & Martin, 1990 ; Dicquemare, 2000 ; Doise & Moscovici, 1992). Par ailleurs, les théories portant sur la norme sociale montrent que les individus ont tendance à se rapprocher (d’un point de vue cognitif et comportemental) de ce qu’ils pensent être la norme, soit l’opinion de la majorité (Beauvois & Le Poultier, 1986 ; Gangloff, 1997), ce, essentiellement par besoin d’identification et de sentiment d’appartenance à un groupe. Les premiers travaux concernant la normalisation et l’influence sociale (Sherif, 1933; Asch, 1951) montrent que la pensée dominante n’est pas nécessairement exercée par un individu ou un groupe dominant, elle est créée par le groupe lui-même, et l’ensemble du groupe va alors s’y conformer. Cette pensée dominante n’est, en fait, qu’une « moyennisation » de la pensée collective issue d’un mécanisme de négociation interindividuel implicite. A ce titre, on peut citer l’exemple de la consommation de produits biologiques, en terme de représentations mentales et des normes qui s’en suivent. Cette influence normative est cependant parfois contrée par l’influence minoritaire. C’est Doise et Moscovici (1969) qui vont initier les travaux sur l’influence minoritaire avec pour ambition d’offrir une théorie de l’influence qui puissent rendre compte de faits historiques particuliers tels que l’émergence et le développement du féminisme, la révolution copernicienne ou encore l’impact de Martin Luther King, de Galilée, de Nelson Mandela… Ce second courant de recherche, plus minoritaire, ne cherche plus à rendre compte du conformisme mais du changement et de l’innovation. Il situe dans le conflit entre personne et groupe la source de l’influence et son objet n’est plus la conformité mais les processus de différenciation. Tout d’abord, il définit un rapport dialectique portant sur les similitudes et différenciations et postule que c’est autour de cette dialectique que s’organisent les modèles de l’influence. Ainsi, on différencie une influence informative (issue du contenu du message) d’une influence normative (au niveau des attitudes, valeurs, normes sociales). Bien que la première vient avant la seconde, ces deux influences sont rarement dissociées, car il est impossible qu’un contenu informatif ne comporte pas un minimum de normativité et inversement. Dans le contexte de la consommation durable, l’influence minoritaire semble longue à s’installer mais son processus est démontré car en termes de représentations sociales on note que chez les personnes ayant une consommation responsable, le regard porté sur la consommation est plus critique, ils semblent avoir conscience des enjeux de la consommation et de son impact sur la société en général, Ils se savent acteurs au sein d’un système. A l’inverse, les consommateurs qui ne pratiquent pas ce type de consommation ont une vision de la consommation beaucoup plus expérientielle et très ancrée dans leur quotidien (François-Lecompte, 2005). La question est donc de savoir pourquoi certains consommateurs sont sensibles à une influence informative et normative et pas d’autres. Une réponse est apportée par la distinction entre l’influence manifeste qui se mesure par un changement d’attitude de l’influence latente qui est diffuse, progressive et souvent inconsciente. Le fonctionnement de ces influences ont deux types d’explication, soutenus par le type cognitif (traitement de l’information) : (i) l’individu est d’autant plus influencé qu’il est en situation d’incertitude et le type socio-affectif ; (ii) l’individu a plus de chances d’être influencé si la source d’influence fait partie de son environnement proche (Moscovici & Mugny, 1983). Pour Fradin et al. (2006), la part du cognitif est principalement due au fonctionnement « archaïque » de l’amygdale (structure essentielle du décodage des émotions et, en particulier, des stimulus menaçants) et de ses connexions avec le cortex frontal ventrolatéral (aires de Brodmann 44, 45 et latéral 47). L’ensemble permettant de passer d’un mode automatique de réponse, par exemple, la fuite face à la peur, à un mode de réponse choisi et adapté (cf. Hebb, 1949, 1980). De fait, pour que le comportement adopté soit adapté, le mode mental doit lui-même être adapté (mode mental adaptatif), un mode automatique de réponse conduisant inévitablement à une réponse automatique et apprise. Les individus disposant d’un mode mental adaptatif changent plus facilement de comportements, ceux dont le mode mental est automatique devront désapprendre avant de réapprendre. Enfin, ces individus peuvent eux-mêmes devenir une source d’influence positive (ou « ambassadeur »).

L’ensemble de ces modèles, psychologiques ou socio-psychologiques, a pour déterminants des variables aussi bien situationnelles (principalement en lien avec l’enjeu représenté par la situation et évalué par l’individu) que des variables personnelles (en lien avec la personnalité). Parmi ces dernières on trouve le Locus of Control (LOC, Rotter, 1966). Il s’agit d’une croyance généralisée et individuelle selon laquelle le déroulé des évènements ainsi que leur issue dépend de l’individu lui-même ou de facteurs externes. On parle alors de LOC interne et de LOC externe. Un individu dit « externe » est celui qui croit que ce qui lui arrive est dû au destin (chance ou malchance) ou du au pouvoir que certaines personnes ont sur lui. A l’inverse, un individu dit « interne » perçoit un événement comme imputable à son comportement et à ses caractéristiques personnelles. Ce concept, bien que proche de celui de l’attribution causale (attribuer les échecs ou les succès à des causes internes ou externes), s’en distingue car, à l’inverse de l’attribution causale, il est relié à la théorie du renforcement positif/négatif (loi de l’effet). En ce sens, le lien entre actions/pensées et événements, est réalisée a posteriori dans le cadre de l’attribution causale, alors que, dans le cadre du LOC, ce lien est réalisé a priori. Si, l’individu fait ce lien et qu’il y a renforcement (par exemple pour un élève : « plus je travaille, plus j’ai de bonnes notes » ou « moins je travaille, moins j’ai de bonnes notes »), il développera un LOC interne, à l’inverse, s’il ne perçoit pas le lien entre ses actions et les événements, il développera un LOC externe. Néanmoins, l’effet d’un renforcement n’est pas un processus automatique, il dépend de la perception ou de la non perception d’une relation causale entre le comportement et le renforcement subséquent. A ce titre, un des objectifs des TCC est d’amener l’individu à faire la relation entre ses comportements et les événements. Cependant, l’objectif n’est pas d’amener le patient à être plus interne, même si l’internalité est valorisée dans les sociétés industrialisées (Beauvois, 1984). En effet, Averill (1973) a montré qu’un fort contrôle de la situation peut également être délétère pour l’individu, notamment en cas de maladie, car l’individu trop interne se rend responsable de sa maladie, ce qui génère un état de stress et d’anxiété voire de dépression peu propice à l’observance thérapeutique. Un autre trait de personnalité semble expliquer la résistance au changement et concerne la tendance à la soumission ou à la dominance, ou théorie des rangs sociaux (Allan & Gilbert, 1997). A l’origine, cette théorie s’appuie sur celle de l’évolution des espèces (Darwin) et sur la théorie de l’attachement de Bowlby et al. (1980) : les patterns d’attachement durant l’enfance sont internalisés en représentations mentales qui influencent le comportement et les relations interpersonnelles d’un individu tout au long de sa vie. Selon cette théorie des rangs, les individus dominants ont tendance à résister fortement au changement s’ils pensent que ce changement leur est imposé, alors que les individus soumis accepteront de s’y conformer sans toutefois en percevoir le sens. Fradin et al. (2006) ajoutent à cette théorie la tendance au rapprochement social excessif (axialité) ou à l’évitement social voire à la phobie sociale (marginalité). Ainsi un individu axial se montre très (trop) proche du groupe auquel il appartient et éprouve alors des difficultés à développer des pensées qui lui sont propres, à l’inverse, l’individu marginal évite le groupe (évitement social) et refuse (en bloc) d’adopter les comportements du groupe. De fait, un individu axial adoptera les comportements de son groupe sans réfléchir ni en percevoir les conséquences et le marginal adoptera des comportements quasi inverses. La théorie du positionnement grégaire (PG, Fradin et al. 2006, 2008) positionne la personne assertive au centre de ces deux axes bipolaires (dominant/soumis et axial/marginal). Et, dans le modèle PG, se trouver à l’extrémité d’un axe ou d’un autre (voire des deux) constitue un trouble de l’assertivité. Ce concept, introduit par Salter (1949), se réfère à   « l’habileté d’un individu à s’exprimer pour défendre ses droits sans empiéter sur ceux d’autrui ». Il a ensuite été développé par Wolpe (1969) qui considérait qu’un individu ne peut être à la fois anxieux et assertif et que, par conséquent, aider un individu à devenir plus assertif constitue une prise en charge des troubles anxieux (Hayes, Luoma, Bond, Masuda & Lillis, 2005 ; Rathus, 1975 ; Tice & Bratslavsky, 2000). Au niveau des comportements, l’individu assertif met du sens sur ses actes, en comprend les fondements et peut donc adopter des comportements stables sur le long terme et il dispose également d’un LOC plus interne. Néanmoins ces comportements sont également reliés au système métacognitif (en fait neurocognitif) lui-même. Ainsi, un mode mental automatique ne favorisera pas le développement d’un LOC interne, et par conséquent l’individu aura moins de comportements assertifs. Développer le LOC interne modéré via le développement de modes mentaux adaptatifs permettrait donc d’obtenir des comportements assertifs, l’ensemble ayant des effets directs et indirects sur les comportements de consommation. A ce jour, les travaux de l’IME démontrent que ces traits de personnalité agissent sur les comportements via l’utilisation de modes mentaux automatiques ou adaptatifs  (Fradin et al., 2006, 2008). Ainsi les comportements peuvent être adaptés à la nouveauté ou, au contraire, résister au changement.

Par conséquent, nous pensons que l’adoption de comportements de consommation favorisant le développement durable et l’atténuation de la résistance au changement sont plus aisées pour les individus assertifs disposant d’un LOC interne modéré (croyances rationnelles), d’un fort sentiment de cohérence et dont les connexions entre cortex préfrontal et amygdale permettent un mode de pensée adaptatif. Nous faisons également l’hypothèse que ces personnes sont les plus enclines à convaincre les membres de leur groupe à adopter ces comportements sans les imposer, soit sans créer de la résistance au changement, notamment chez les dominants de leur groupe d’appartenance. Néanmoins, nous pensons que l’effet des variables personnelles (LOC, SOC, assertivité et mode mental adaptatif) est médiatisé par l’influence informative et normative.

 

3. Aléas, incertitudes scientifiques, verrous technologiques

Toutefois, de Coninck (1997, 2000) a montré que l’approche concernant l’opérationnalisation du changement durable doit être interdisciplinaire et inclure des domaines aussi larges que la sociologie, l’ingénierie, la santé publique, la géographie et le design industriel. Or, même si les efforts sont constants, les études actuelles ne sont pas encore transdisciplinaires. Si la psychologie est l’essence même de la transdisciplinarité puisqu’elle est commune à chacun des champs cités ci-dessus (en effet, comment associer, par exemple, le design industriel et la santé publique sans comprendre d’une part les déterminants mais également les effets du comportement humain ?), elle ne peut non plus faire l’économie d’une association avec d’autres sciences. Dans ce cadre, l’IME prévoit une collaboration avec des architectes et ingénieurs afin de valider un modèle qui permettra ultérieurement d’agir efficacement sur la modification comportementale en matière de consommation énergétique.

Ainsi, ce projet s’inscrit dans le cadre du programme 2D2E de l’OPAH qui vise à aider et à inciter les propriétaires à entreprendre une démarche de rénovation thermique et environnementale. Pour cela, l’OPAH mettra à la disposition de ces propriétaires un certains nombres d’outils permettant la réalisation des projets de rénovation en 3 ans. Parmi ces outils, et grâce à la recherche que nous proposons, on trouvera des instruments de mesure (réalisés par des industriels) ainsi qu’une aide à la gestion comportementale.

En effet cette recherche a pour objectif de valider une modélisation des aspects reliant la personnalité des occupants avec leurs comportements de consommation énergétique. Ainsi, en fonction de certains traits de personnalité de chacun, nous serons en mesure de proposer des solutions plus efficaces (notamment en termes de pédagogie) afin que les occupants puissent améliorer leurs comportements sans toutefois que cela ne représente une contrainte pour eux (résistance au changement). A terme, notre modélisation viendra appuyer le projet de plateforme P2ES. Cette plateforme est, à ce jour, un démonstrateur pré-industriel de la télégestion d’efficacité énergétique (liant confort, santé et également comportements) développé à partir de compétences avancées en analyse et régulation, thermique, des comportements de consommation et de la qualité de l’air intérieur.

A ce jour, l’Agence Paris Région Lab et OPAH mettent à notre disposition un secteur de recherche situé à Paris intra-muros. Il s’agit d’une première étape de la recherche qui devra, par la suite, être élargie quant à ses lieux d’exécution, notamment en Province et en milieux ruraux (campagne, montage, mer) avec différents climats. Par ailleurs, les industriels associés nous permettent de tester l’efficacité de leurs prototypes mais nous ne sommes pas en mesure d’affirmer si leurs produits pourront ou non être industrialisés.

Afin de garantir l’anonymat des personnes interrogées, les données seront anonymisées.

 

4. Description des travaux effectués

A ce jour, une première recherche va être opérationnalisée courant 2015. Ce terrain de recherche est d’ores et déjà effectif, il nous est mis à disposition par l’OPAH dans le cadre du programme 2D2E (opération programmée de rénovation de l’habitat « développement durable et économies d’énergie) et concerne donc, pour une part, le secteur de la République à Paris (20 logements). Ces vingt logements seront équipés par la société RIC d’un instrument visant à mesurer et à informer l’occupant du logement de sa consommation énergétique, ce qui constituera, pour notre propre recherche, une variable expérimentale (variable dichotomique : logement équipé versus logement non équipé). La seconde partie du terrain d’expérimentation, toujours mis à disposition par l’OPAH, ne concerne pas RIC bien que nos résultats leur seront transmis), il s’agit d’un terrain qui nous permettra de constituer un des groupes contrôle de l’expérimentation, il se situera également à Paris et concernera quatre-vingt (80) logements.

Son protocole est constitué de 5 questionnaires :

– Positionnement grégaire (de Chalvron, Lafaye, Fradin et al. soumis) : ce questionnaire de 36 items mesure sur une échelle de Likert en 5 points les traits de soumission, dominance, axialité, marginalité et assertiviité.

– Un questionnaire de LOC (interne et externe) spécifique au développement durable. En effet, certains psychosociologues tels que Beauvois avancent l’idée que l’internalité n’est pas un trait de personnalité mais bien une norme sociale (norme d’internalité). Il a, à ce titre, été mis en avant que le questionnaire de LOC de Rotter revêt un caractère socialement désirable des explications internes (Jellison et Green, 1980). Cependant, Maltby et al. (2007) ont démontré que le LOC est bien un trait de personnalité que ne permettent pas de mesurer convenablement les questionnaires existants. Il s’agira donc de créer un questionnaire spécifique d’une dizaine d’items.

– Modes mentaux adaptatifs et automatiques  (de Chalvron, Lafaye, Fradin et al. soumis) : ce questionnaire comporte 6 items dont 3 pour le mode mental adaptatif et 3 pour le mode mental automatique. Chaque mode mental est mesuré sur une échelle visuelle analogique de 10 centimètres (voir page suivante).

– Sens de la cohérence : (SOC, OLQ, Antonosky, 1987) : ce questionnaire comprend 29 items mesurant le sens de la cohérence sur plusieurs échelles de Likert de 7 points chacune.

– Modification des comportements de consommation durable et attributions causales : création d’un questionnaire comportant 5 items mesurant les modifications de comportements (ou l’absence de modification) depuis 2 ans, 5 items mesurant les prévisions de modification (ou l’absence de modification) dans l’année à venir, 10 items d’attributions causales de ces modifications (ou de leur absence) en termes d’informations, de compréhension et de système de valeurs.

En terme de procédure

Dans un premier temps, les individus du parc de logements concernés (parc équipé d’un système de mesure énergétique contrôlable, cf. RIC, Polytopics vs par non équipé) seront d’une part interviewés (entretiens semi-dirigés) et seront également invités à remplir plusieurs questionnaires (voir ci-dessous). Les entretiens semi-dirigés nous permettront d’obtenir des données qualitatives et notamment un verbatim qui sera repris lors de la rédaction des documents pédagogiques. Les données issues des questionnaires de personnalité nous permettront, quant à elles, de constituer plusieurs groupes (tableau 1) qui recevront diverses informations :

 

Tableau 1 : Constitution des groupes

Equipés (n = 20) Non équipés (n = 80)
Groupes Contrôle Informations techniques fournies par le fabricant (RIC) Informations techniques fournies par le fabricant (RIC)
Groupes 1 Informations techniques et pédagogiques (réalisées en partenariat avec ADSC) Informations techniques et pédagogiques (réalisées en partenariat avec ADSC),
Groupes 2 Informations techniques, pédagogiques et normatives (modulées sur le plan psychologique, modes mentaux, assertivité…). Informations techniques, pédagogiques et normatives (modulées sur le plan psychologique, modes mentaux, assertivité…).

 

Dans une seconde étape de la recherche, deux autres groupes seront constitués. Dans le premier groupe, les individus auront les caractéristiques suivantes : assertives, LOC interne modérée, SOC élevé et mode mental à tendance adaptative, soit des caractéristiques que nous supposons être déterminante quant à un effet « ambassadeur ». Ce groupe sera divisé en deux sous groupes, dans l’un des deux, les personnes recevront un message informatif et normatif à intervalle régulier, dans l’autre sous-groupe, les personnes seront, de plus, formées aux techniques de l’engagement et à l’amélioration du mode mental adaptatif.

Dans le second groupe, les individus n’auront pas les caractéristiques requises pour être un « ambassadeur » efficace, mais dans un sous-groupe les personnes recevront un message informatif et normatif à intervalle régulier et dans l’autre sous-groupe, les personnes seront également formées aux techniques de l’engagement et à l’amélioration du mode mental adaptatif (tableau 2).

 

Tableau 2 : Constitution des sous-groupes

Equipés (n = 20) Non équipés (n = 20)

Sous groupes 1

(n = 20)

Caractéristiques requises non formés (n = 5)

Caractéristiques requises formés

(n = 5)

Caractéristiques requises non formés

(n = 5)

Caractéristiques requises formés

(n = 5)

Sous groupes 2

(n = 20)

Pas de caractéristiques requises non formés (n = 5)

Pas de caractéristiques requises formés

(n = 5)

Pas de caractéristiques requises non formés (n = 5)

Pas de caractéristiques requises formés

(n = 5)

 

Toutes les personnes devront accepter d’être suivies sur une durée d’un an, de remplir un autre questionnaire concernant les habitudes de consommation de leur entourage familial à 4 temps de mesure (fréquence trimestriel, cf. planning) et de participer à deux entretiens de recherche en début et en fin d’étude. Les deux derniers groupes permettront de compléter les résultats de l’approche observationnelle (3 premiers groupes) par une approche expérimentale. Cette dernière permettra d’examiner les effets à longs termes des influences informatives et normatives des personnes prédisposées à leur meilleure conduite ainsi que l’effet d’une formation spécifiquement destinées à ces individus.  Toutes les données seront anonymisées dès le début de la recherche.

Les mesures objectives par ailleurs obtenues grâce aux appareils de mesure de la consommation énergétique permettront de confronter l’ensemble de ces résultats psychosociologiques aux résultats de la consommation réelle. Mais ils permettront également d’évaluer l’impact des sujets formés (deux derniers groupes) sur leur entourage proche et même plus lointain : ont-ils été ambassadeurs dans leur immeuble ou entreprise ?

Les formations seront assurées par le même psychologue afin d’éviter l’effet psychologue (transmission d’un message différent..). En outre, par souci déontologique et en accord avec l’étude d’Averill (1973), il ne s’agira pas d’accentuer un LOC déjà interne, mais bien d’en développer l’aspect rationnel.

Pour l’ensemble des hypothèses des variables objectives (consommation énergétique sur facture ou sur mesure) seront également utilisées comme variables dépendantes.

 

5. Indicateurs de R&D

Articles et soumission à des congrès scientifiques à venir

 

6. Acquisition de connaissances

A venir

 

7. Ressources humaines
Nom Fonction dans le projet Nb total d’heures/jours affectées au projet
De Chalvron Stéphanie Ingénieur de recherche 91 heures
Fradin Jacques Directeur de recherche 109 heures

 

8. Références bibliographiques

Allan, S. & Gilbert, P. (1997). Submissive behaviour and psychopathology. British Journal of Clinical Psychology, 36, 467-488.

Anzieu, D. & Martin, J.-Y. (1990). La dynamique des groupes restreints. Paris: PUF.

Asch, S. E. (1951). Effects of group pressure upon the modification and distortion of judgment. In H. Guetzkow (ed.) Groups, leadership and men. Pittsburgh, PA : Carnegie Press.

Averill, J.- R. (1973). Personal control over aversive stimuli and its relationship to stress. Psychological Bulletin, 80, 286-303.

Beauvois, J.-L. (1984). La Psychologie quotidienne. Paris: PUF.

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