L’Approche et la Thérapie Neurocognitives et Comportementales (ANC/TNC) et leurs applications

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Identifier ce qui appartient à l’espèce, à notre structure cérébrale (le « hard » neuronal) et ce qui résulte au contraire de notre apprentissage. Même si les recherches récentes tendent à montrer que la frontière entre les deux est plus floue et mouvante que jamais (à travers ce que l’on nomme l’épigenèse, autrement-dit l’influence retour du développement sur l’expression même de nos gènes…), d’autres travaux montrent tout de même que nos réseaux neuronaux sont architecturés selon un plan général et des orientations fonctionnelles prédéfinis et propres à l’espèce. Ainsi existe-t-il des réseaux plus spécifiquement dédiés à cinq formes de mémoire, à la vigilance et l’attention, à l’identification de divers besoins internes (instinctifs) versus d’autres dédiés à l’évaluation des ressources accessibles dans l’environnement (système sensorimoteur, cortex…), etc.

La transcription de multiples données structurelles en termes de facilitation à la psychothérapie, la pédagogie ou les leviers de changement du comportement dans l’accompagnement de la santé ou du développement durables, laisse entrevoir :

  • le rôle précieux que la description et la gestion de modes fonctionnels/réactionnels particuliers mais universels de notre système nerveux, cliniquement descriptibles et identifiables
  • et sur lesquels des formes de sollicitation (activatrices ou inhibitrices), elles aussi « universelles », sont accessibles et que nous dénommons en TNC/ANC « contenants neurocognitifs », par opposition aux « contenus cognitifs » issus de notre culture ou expérience personnelle.

Illustrons-les par quelques exemples.

  • En psychothérapie, la Gestion des Modes Mentaux (dits supérieurs, i.e. modes automatiques versus adaptatif [1]) donne des outils de pilotage de cette « (méta)bascule globale » du fonctionnement cérébral entre gestion du connu et de l’inconnu. Cela permet par exemple de mieux comprendre pourquoi des exercices d’ouverture sensorielle, comme ceux utilisés par l’approche dite de « la pleine conscience », sollicitent en fait largement les mêmes ressources neuronales que la résolution de problèmes mathématiques ou encore de prise de décision avec dilemme éthique… à savoir les circuits de la gestion de la non-maîtrise (mode adaptatif).
  • En management, en pédagogie voire en économie comportementale [2], on comprend que la façon de poser la question ou de définir l’objectif peut tout changer dans la mise en œuvre des attitudes pertinentes pour la performance visée. Ainsi, la définition d’objectif de résultat à court terme se révèle antinomique avec la prise de risque liée à l’initiative ou la créativité…
  • En accompagnement du développement durable, on comprend mieux pourquoi l’attitude du déni (des conséquences à long terme, pour soi ou pour les autres) sollicite les mêmes structures cérébrales que la dramatisation lorsqu’on est confronté de façon « inéchappable » aux conséquences de ce déni…
    A contrario, la dramatisation, telle que souvent pratiquée, ne peut porter le plus souvent la solution au problème du déni ! Les stratégies de résolution neurocognitive cherchent au contraire à activer, non pas la seule réponse au problème, mais sur le substrat du mode mental (et l’attitude qui lui est associée) complémentaire, qui relève d’une toute autre logique de fonctionnement/mise en œuvre. Ce qui renvoie au concept classique de « sortie du cadre », mais en en précisant les raisons, le périmètre et surtout en fournissant des outils de résolution beaucoup plus concrets !

Plus généralement, la(les) solution(s) à toute « résistance au changement » serait sans doute plutôt de l’ordre du changement d’état d’esprit.

On comprend mieux pourquoi ce ne serait pas par « toujours plus de la même chose » (Paul Watzlawick), que l’on résoudrait certains problèmes mais par un changement de « philosophie », d’angle de vue, seuls à même de nous faire changer la façon de mobiliser notre cerveau, à l’instar des sportifs qui travaillent le corps (échauffement, postures…) avant de mettre en œuvre leurs compétences ou stratégies de jeu…

Nous ne possédons pas tant un cerveau qu’une population de neurones, dont la mise en œuvre se fait aussi bien en termes de connaissances/compétences (datas) que de connaissance de soi/méta-compétences (softs), comme l’évoque Antonio Damasio, lorsqu’il parle de « conscience étendue » à propos de la mobilisation des territoires du cortex préfrontal (au cœur du mode mental adaptatif) [3].

De la même façon, les multiples substrats neuronaux du stress, de la dépression, de l’anxiété, des addictions, de la dominance ou de la soumission, de la paranoïa, des troubles du comportement alimentaire, des phobies ou (à l’inverse) de l’état de repos, des motivations internes (nos passions) ou encore de la compassion, de l’empathie, impactent et modulent, au fil de leurs sollicitations respectives, de façon profonde et structurelle, nos états sensoriels, comportementaux, cognitifs, émotionnels et même sociaux, à même de nous faire percevoir, analyser et agir très différemment selon les moments…

Mieux comprendre ces filtres, aussi puissants que… prévisibles, donc gérables, peut changer la puissance, la reproductibilité, la fiabilité ou encore la rapidité des thérapies et autres applications pédagogiques, managériales ou sociétales…

Les résultats de recherches du LPN vont dans le sens de la confirmation de la pertinence du modèle « Contenants/Contenus ».

 

Ce changement de « référentiel » dans la compréhension quotidienne de nos comportements, selon deux dimensions interactives (Contenus cognitifs / Contenants neurocognitifs), pourrait sans doute :

  • transformer un problème apparemment (presque) insoluble, celui de la résistance au changement et des biais cognitifs… face à la nécessité urgente des transitions à l’échelle planétaire,
  • en une opportunité de développement humain, via le partage de neuro-connaissances et le transfert de méta-compétences en pédagogie, thérapie, management, économie, etc.

[1] Posner, M. & Raichle, M. (1998). The neuroimaging of human brain function. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 95(3), 763-4

[2] Andrei Shleifer, « Psychologists at the Gate : A Review of Daniel Kahneman’s Thinking, Fast and Slow », Journal of Economic Literature, vol. 50, no 4,‎ dec. 2012

[3] A. Damasio, Le sentiment même de soi, Odile Jacob.

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